Les Évasions Perdues ne le sont pas pour tout le monde, en tout cas pas pour le journaliste Thomas Legrand. Des souvenirs lacunaires retrouvés dans le tiroir des archives familiales, ce dernier reconstitue l’étonnant parcours militaire de son père au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Marcel Legrand devient donc Jacques Leboy, jeune aspirant volontaire fait prisonnier par les Allemands lors de la débâcle de 40 avant d’être déporté aux confins de la Prusse-Orientale. Là bas, dans cette région reculée à proximité de Stablack, existe un camp pas comme les autres : un Aspilag, un centre de détention et de formation dont le but est de conditionner ces jeunes aspirants français aux valeurs de cette nouvelle Europe à la construction de laquelle le maréchal Pétain collabore avec zèle. Tout cela en étroite coopération avec les plus fidèles généraux pétainistes de France. Insensible au discours pro-nazi de ses instructeurs, Jacques Leboy n’a alors plus qu’une idée en tête : La Grande Évasion.
C’est donc une page oubliée de l’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale que Thomas Legrand et le dessinateur François Warzala exhument en cette rentrée 2024. « La guerre de 40, c’est la Résistance, la Collaboration, le Débarquement, les grandes batailles, et le Stalag, c’est 1 800 000 français qui se sont fait prendre au piège, qui ont perdu en un mois. C’est pas glorieux. »* On y découvre ici les conditions de détention des aspirants, le bouleversement des repères idéologiques et moraux du corps militaire dans une période divisée entre pétainistes et gaullistes, la circulation de (fausses) informations à l’intérieur comme à l’extérieur du camp, ainsi que le climat de suspicion qui régnait parmi les prisonniers. La ligne claire chère à Warzala, support idéal aux discrets traits d’humour esquissés par Legrand, permet à cette bande dessinée d’être accessible à un large public et de dédramatiser quelque peu l’étrange condition de ces prisonniers.
Une bonne surprise !
*extrait de l’interview de Thomas Legrand sur France Inter