Les Exilés par Ninesisters
Avant de rentrer dans le vif du sujet, j’aimerais revenir sur le contexte d’apparition de la série. A la fin des années 90, il existe de nombreux titres liés aux X-Men, y compris dans des réalités alternatives, mais leur univers peine à se renouveler malgré le regain d’intérêt provoqué par la production d’un premier film consacré aux mutants. Pour dynamiser un peu tout cela, Marvel Comics rappelle sur la série principale son scénariste emblématique, celui associé aux plus belles heures de l’équipe : Chris Claremont. Malheureusement, cela ne suffira pas. L’éditeur va donc lancer ce qu’il appellera la X-Revolution ; outre Chris Claremont, cette révolution en appellera à des auteurs reconnus comme Grant Morrison et Warren Ellis pour foutre un bon coup de pied dans cet univers. Cela se concrétisera par un remaniement de l’équipe principale, la disparition de nombreuses séries parallèles, la mort d’énormément de personnages, et pour finir le lancement de nouveaux titres. Parmi ces titres : X-Treme X-Men, une série classique avec une équipe expérimentée écrite par Chris Claremont, X-Force, qui n’a rien à voir avec l’ancien titre homonyme et bénéficie d’un trait plus audacieux, et enfin The Exiles.
Pour le lecteur habitué, The Exiles est symptomatique de l’habitude de Marvel de produire des univers parallèles et de les faire interagir. En fait, cette série en propose probablement la version ultime, en racontant une histoire proche de Sliders, dans laquelle une poignée de X-Men voyage de monde en monde afin de corriger certains événements. En effet, The Exiles nous explique qu’en raison de fissures dans le tissu de l’espace-temps, il arrive que l’histoire de différents mondes et quelques-uns de leurs habitants subissent des modifications et évoluent d’une manière imprévue. Parmi les êtres vivants touchés par ces changements, des X-Men de réalités séparées, réunis par l’étrange Time Broker afin de réparer les anomalies de chaque monde jusqu’à ce qu’ils arrivent à sauver leur propre histoire.
The Exiles est un titre que j’ai découvert lors de sa publication en France aux côtés de X-Treme X-Men et du nouveau X-Force ; j’avais apprécié les trois, pour des raisons très différentes. X-Treme X-Men, c’est de la vieille école avec un dessin somptueux et des personnages cultes ; plus classique tu meurs, mais niveau efficacité rien à dire. X-Force demandait un temps d’adaptation à son dessin pop et à sa façon inédite de traiter les personnages, mais possédait une certaine fraicheur.
Du côté de The Exiles, son atout vient de son potentiel. Si vous connaissez Sliders, vous savez ce que son concept permet : les auteurs reprennent des mondes, des personnages, et des événements connus, mais apportent de légères modifications et regardent ce que cela donne ; les possibilités sont infinies. Il ne faut pas non plus beaucoup de temps pour remarquer que la différence avec la fameuse série TV, c’est que les membres de l’équipe ne sont pas gravés dans le marbre ; une défaillance, et il y a un autre mutant pour prendre la relève, aussi bien un inédit qu’un ancien que le scénariste souhaite remettre au goût du jour ou exploiter à sa convenance. Là encore, il y a de grandes possibilités. En fait, concernant les protagonistes, nous pouvons presque considérer ce titre comme un laboratoire d’expérimentation ; dès le début, nous voyons que certains vont plus nous marquer que d’autres, et évidemment ceux-là tiendront plus longtemps. Un d’entre eux finira même pas s’installer dans le monde principal de l’univers Marvel.
Je parle de potentiel, mais il ne faut pas non plus se leurrer. Dans les mains d’auteurs réputés pour leur prise de risque ou leur tendance au délire, The Exiles aurait pu être une œuvre d’anthologie ; sauf que le titre a bénéficié de scénaristes « classiques » – le genre qui font bien leur boulot, mais qui n’ont pas cette capacité à générer un lectorat fidèle prêt à les suivre d’une série à l’autre – et qu’il n’a pas la prétention de révolutionner quoi que ce soit. The Exiles est bien écrit, dispose de bonnes idées – avec des mondes plus ou moins attractifs – c’est un titre efficace qui divertit le lecteur, et c’est ce qui lui a permis de tenir le temps de 100 numéros, soit plusieurs années de publication ; mine de rien, c’est un résultat bien plus qu’honorable dans un univers comme celui des comics. X-Treme X-Men n’aura pas eu autant de chance.
The Exiles est donc loin d’être un indispensable parmi les publications Marvel Comics. Avant de s’intéresser à lui, il convient de se pencher sur des titres infiniment plus palpitants, ou tout simplement plus fondateurs. Mais pour qui lui donnera sa chance – en VO uniquement, introuvable autrement – il dispose de suffisamment de qualité pour que le lecteur puisse passer de bons moments. C’est efficace comme divertissement, sur le moment, mais cela reste un titre mineur.