Lire Michel Strogoff m’a fait beaucoup penser au Gipsy, et j’ai conseillé dans ma critique de ce dernier de lire ou relire le premier cycle de cette série, le cycle de Sibérie. J’ai donc appliqué mon propre conseil.
Sortis en 1994 et 1995 ces deux albums forment, avec le premier, une histoire complète, tandis que le cycle suivant propose trois histoires différentes en trois qui peuvent se lire de façon complètement indépendante. Du coup, bien qu’il soit possible de lire le premier tome seul, l’histoire ne se conclut pas et la lecture des deux suivants est recommandée, ne serait-ce que pour connaître cette conclusion.
Et c’est surtout de cette façon que je considérais ces albums depuis leur sortie. Ils n’ont pas, pour moi, les mêmes qualités que le premier, bien que le dessin soit déjà plus posé et qu’ils soient tout de même d’une lecture agréable, mais ne sont pas non plus aussi bons que les deux suivants, qui offrent deux histoires intéressantes. Mieux vaut ne pas parler du sixième album.
Ces deux tomes étaient donc liés dans mon esprit comme « la longue conclusion moins cool qu’il faut lire pour avoir l’histoire complète du premier ». Ce qui est un peu injuste. Le premier tome est bourré d’action, ça n’arrête jamais, mais il réussit à exposer son univers en parallèle avec l’action, ce qui est une grande qualité. Les deux tomes suivant développent plus cet univers : en plus d’un Gipsy qui fait la course contre une corporation pour être le premier à livrer des armes à des russes assiégés par des mongols, nous découvrons une faction supplémentaire dans ces régions : les tsaristes, nous découvrons également une société secrète, les assiégés eux-mêmes et les alliances se font et se défont entre tout ces ces groupes. C’est donc plus complexe et il faut un peu de temps mort pour présenter tout ça. Et pour parler d’amour, car Bibi, la sœur du Gipsy, tombe amoureuse ! On parle même mariage !
Bref, ceux qui reprochent à la série de n’être que pure action devraient payer un peu plus d’attention car le sujet est quand même bien plus complexe qu’il n’apparaît au premier abord. Les gros biceps et les jurons du Gipsy cachent plus de profondeur qu’on ne pourrait le croire. Et c’est vrai aussi pour les personnages qui sans être particulièrement complexes sont toutefois plus nuancés que ce qu’on aurait pu croire à la lecture du premier tome.
Tout cela nous écarte nécessairement un peu de l’action, encore qu’on ait toujours de la part des auteurs cette capacité à présenter les choses en parallèle de l’action. Est-ce que trois albums comme le premier auraient été meilleurs ? Sans doute pas : individuellement le premier est sans aucun doute plus accrocheur, plus fort, c’est un récit de course violente, de poursuite, dans sa quintessence, comme Mad Max 4, mais trois fois la même chose aurait sans doute été trop.
Et pour donner de la nuance au Gipsy, il faut le montrer capable d’autre chose que de se battre ou « tringler en beuglant comme un veau » selon les mots de sa sœur, donc malheureusement le voir se rendre quand l’opposition est trop forte, sans doute un point qui coûte cher à ces deux albums dans mon esprit.
Niveau décors, on reste sur de la neige, encore de la neige, toujours de la neige. J’aime bien. Mais je dois admettre que la Sibérie n’a pas beaucoup de variété de paysages à offrir ici. Dans cette série, l’hémisphère nord est en train de retomber dans un âge glaciaire, contrairement à notre réalité où nous provoquons un réchauffement climatique. Notons au passage que c’est une possibilité réelle car les âges glaciaires sont cycliques et nous n’en avons pas eu depuis longtemps. Pas de steppes donc, difficile de comparer avec Michel Strogoff à ce niveau, surtout que l’action se passe au niveau du cercle polaire. On retrouve par contre les ruines en feu et les cadavres pendus des invasions tartares.
Point positif par contre : dans ce futur âge glaciaire on a cloné des mammouths. On se retrouve donc avec une belle scène de combat au milieu d’une charge de mammouths et rien que ça c’est un indicateur de qualité !
Cette relecture m’a permis, des années après, d’aller au delà de la déception initiale que j’avais ressentie à la première lecture de ces deux albums. Mieux vaut tard que jamais je suppose, et il est toujours bon de savoir se corriger quand on a tort. Ça ne change pas grand chose par rapport à l’ordre de mes préférences dans cette série, mais j’ai appris à l’apprécier encore un peu plus.
Critique tirée de mon blog.