Les fleurs du mal est certainement le manga le plus extrême de Kazuo Kamimura a être paru en
France. Bien que l'on y retrouve nombres de thèmes cher à l'auteur, il est issu d'une collaboration avec Hideo Okazaki. On connaît cet auteur pour une autre collaboration avec Kamimura. (Le Fleuve Shinano). Dans les 2 œuvres, Kamimura est au dessin et Okazaki au scénario.
Je précise avant tout que ce titre est réservé à un public adulte averti au vu de la violence et du caractère sexuel de son contenu.
Rannosuke Hanayagi est l'héritier de la maison Kurokami, connu dans tout le Japon depuis des générations pour son art des arrangements floraux. Sauf que cette maison a une face caché. De nombreuses jeunes femmes travaillant pour la maison ont été enlevé, abusé de divers manière et violé par Rannosuke. L'homme est poursuivie par la justice mais évite toute peine grâce à ses relations avec les hautes sphères du pays.
Un jour, Rannosuke va faire enlever une jeune femme magnifique, encore vierge bien qu'ayant un fiancé. La femme va subir les pires supplices mais Rannosuke ne va pas pouvoir se lasser d'elle, les deux adultes exerçants une emprise mutuel sur l'autre. Sans trop révéler d'un scénario qui ne va pas hésiter à bousculer et à repousser le lecteur, les auteurs vont proposer une histoire sans cesse surprenante, repoussant toujours les limites de la violence sexuel et psychologique. Le caractère extrême de la lecture n'est pas gratuit, les auteurs proposent une expérience de lecture difficile mais fascinante sur la nature humaine.
On voit bien sur dans ce manga que ce sont encore et toujours des hommes riches et puissants qui abusent d'autrui (surtout des femmes) en usant de leur statut et du pouvoir de l'argent. Cette dénonciation est désormais plus courante mais il faut se rappeler que le manga date de 1975 et donc de son caractère avant-gardiste.
De par son histoire et ses scènes de sexes, ce manga propose une réflexion sur la norme, la tentation des actes transgressifs ou encore l'émancipation sexuel des années années 70/80. La fascination qu'exerce cette lecture questionne sur notre attrait pour la violence, les interdits sociaux, le pouvoir sur l'autre ou la sexualité dite déviante.
Bien sur, ce manga ne serait pas aussi parlant sans le sublime dessin de Kamimura. Il est ici particulièrement inspiré et on retrouve un trait fin et plein de grâce. Les métaphores visuelles et particulièrement celles avec des fleurs sont très courantes dans ce manga (comme souvent chez l'auteur). La violence est montré de manière frontale mais jamais gratuitement. Il y a toujours un aspect dérangeant derrière qui amène la fascination et/ou l'horreur.
Certains passages pourtant particulièrement violents sont étonnamment beaux visuellement, amenant un romantisme noir qui pousse le lecteur dans ses retranchements et propose une lecture active où l'on doit être à l'écoute de nos réactions face à cette horreur envoûtante.
Il est possible (et normal) de détester cette lecture extrême mais le manga Les fleurs du mal ne laisse pas indifférent.
Une œuvre mêlant aussi habilement beauté et horreur est toujours intéressante. Un manga sublime visuellement, proposant une expérience de lecture unique et un fonds des plus pertinent. Une œuvre adulte à ne surtout pas rater.