Les confessions de Takao sur le tableau noir du malheur ont eu lieu à la fin du second volume des Fleurs du Mal. Un moment qui a sonné comme une libération pour deux êtres trop à l'étroit dans leur environnement. Vient alors le moment pour le garçon d'affronter les conséquences de son acte...
Un (très) bref instant de répit
Pour autant le tome commence par nous infliger un démenti partiel : la salle de classe est bien dans un état peu propice au travail mais les mots de Takao ont été recouverts. Le blanc de la craie cède face à l'obscurité de l'encre qui a coulé. C'est donc toujours le mystérieux « pervers » qui se trouve incriminé.
Démenti seulement partiel parce que la mère de Takao et Nanako ont compris (ce qui ne semble pas déranger la jeune fille). Il subit donc plusieurs coups psychologiques mais n'a pas le temps de vraiment respirer : il est débordé par le cours des événements et Sawa n'est jamais loin pour lui proposer une nouvelle mission.
Une mission qui nous ramène au début de la série : voir l’autre côté de la montagne. Comme si cette première idée était celle à accomplir. Une fois encore, ils ne pourront pas aller au bout. Leur voyage est un échec – cette nuit n'est pas libératrice comme a pu l'être celle de la fin du tome 2 –, comme si on ne pouvait pas s'échapper. Cela ouvre trois voies : se résigner (peu probable ?), réessayer ou alors transformer la ville.
Déchirures
Le « masque » de Takao a été entamé un peu plus encore. Sawa ne se prive pas pour mettre à nu (dans tous les sens du terme) le garçon. Les confessions de Takao, partie II, ont lieu. Il se dit plein de vide et on devine – la nature ayant horreur du vide – qu'il sera amené à se remplir. Le pacte le liant à Sawa tient toujours et cette dernière devient moins indifférente à ce que raconte son partenaire. Comme si le lien existant entre eux finissait par la contaminer elle aussi, par un effet de retour non prévu. Son masque à elle ne serait-il pas en train de vaciller ?
Apparaît alors un signal : Les Fleurs du Mal sont écartées de la scène. Si une de ces fleurs s'aperçoit dans le regard de Takao, il sera plutôt question de ses Fleurs du Mal et non celles de Baudelaire. Á lui de les cultiver, d'avoir son propre jardin et de ne pas se reposer sur celui d'un autre.
Prise à deux
Peut-être plus encore que les volumes précédents celui-ci insiste sur le trio Sawa-Takao-Nanako. Cette insistance se retrouve dans le récit comme dans la composition des cases où Takao se retrouve entre les deux filles. Une situation d'entre-deux qui fait écho aux sentiments qui existent entre eux, à leurs attaches respectives bien sûr, mais aussi à quelque chose de plus fondamental.
Shûzô Oshimi déclare, en fin de tome, que le manga traite de la fin de l'adolescence, cette période où chacun doit en trouver la sortie. C'est en partie à cela que l'on assiste ici : un tâtonnement. Takao est pris entre deux filles qui représentent deux évolutions possibles. Nanako est une personne qui désire comprendre (alors que Takao avoue ne pas saisir ce qu'il a lu), saisir ce qui l'entoure. Sawa est une version amplifiée de penchants qu'il préfère taire.
D'où le fait que Sawa et Nanako ne puissent pas vraiment se comprendre. Elles ne parlent pas au même Takao et cette lutte qui se joue – et qui bénéficie de plusieurs jeux de miroir : voir le début du tome où Sawa pose la main sur le torse de Takao et la fin où Nanako fait la même chose mais sur son torse nu cette fois – semble rendre son verdict (définitif ?) sous les projecteurs...
Les nuits se suivent et ne se ressemblent pas
Quel adulte sera l'adolescent que nous sommes ? Est-on l'adulte que nous devrions être ? Notre identité correspond-elle à notre être ? Lire Les Fleurs du Mal invite à la réflexion tant les personnages nous montrent le jeu permanent entre leur rôle et ce qu'ils en font. Ce troisième volume poursuit donc une intrigue qui ne perd ni en intensité ni en intérêt. Il se termine sur une incertitude tant ce qui se passe au fil des pages va contre l'idée d'une intrigue trop évidente. De nouvelles péripéties non prévisibles à attendre ? Nous n'en demandons pas davantage.