Les Gardiens du Louvre de Jirō Taniguchi, c’est un peu comme flâner dans un musée par un après-midi pluvieux. Au début, tu es intrigué, tu admires la finesse des détails, mais très vite, tu te rends compte que l’air est un peu lourd et qu’un banc moelleux ne serait pas de refus.
Le pitch est séduisant : un artiste japonais en visite à Paris, alité par une fièvre, plonge dans des rêveries où les chefs-d’œuvre du Louvre prennent vie pour raconter leurs histoires. Une rencontre poétique entre art et imagination, sur le papier, c’est prometteur. Mais dans les faits, la magie a du mal à opérer et finit par ressembler à une visite guidée un peu trop littérale.
Graphiquement, Taniguchi fait du Taniguchi : un trait impeccable, des décors somptueux, une précision chirurgicale. Les planches qui recréent le Louvre ou ses environs sont absolument magnifiques. Mais voilà, la perfection graphique ne suffit pas toujours à insuffler de l’émotion ou du rythme. L’esthétique est là, mais l’histoire reste figée, comme un tableau trop contemplatif.
Le récit, quant à lui, oscille entre poésie et didactisme pesant. Les dialogues se prennent parfois trop au sérieux, avec des réflexions sur l’art qui manquent de spontanéité. Les apparitions des "gardiens", ces personnages issus des tableaux ou de l’histoire de l’art, auraient pu être vibrantes et mystérieuses, mais elles tombent souvent à plat, un peu comme un prof d’histoire de l’art trop rigide.
Le héros, lui, a autant de charisme qu’une statue en plâtre. Il erre, contemple, réfléchit, mais ne semble jamais vraiment habité par une émotion forte. On aurait aimé le voir bousculé, transformé, mais il reste en surface, comme un touriste poli qui coche les cases de son guide touristique.
Et pourtant, il y a des moments de grâce : une plongée dans un tableau, une évocation du passé, une planche où les détails éclatent de beauté. Ces fulgurances rappellent le talent de Taniguchi, mais elles sont trop rares pour sauver l’ensemble de la torpeur.
En résumé : Les Gardiens du Louvre est une belle promenade visuelle qui manque de souffle narratif. Taniguchi livre une ode à l’art figée dans sa propre perfection, mais qui peine à susciter l’émerveillement promis. À réserver aux amateurs de contemplations silencieuses… et aux insomniaques en quête d’un somnifère de luxe.