Je juge sur les quatre premiers tomes.
En regardant avec attention les critiques sur ce manga, je m'aperçois qu'il semble ne pas y avoir de demi-mesure : on aime, ou on déteste.
Moi je suis plutôt dans le "j'aime", mais pourtant il faut reconnaître un certain nombre de défauts à ce manga.
Commençons par le graphisme : on appréciera tout d'abord un trait fin, pas franchement original mais plaisant, qui rappelle un peu un Takeshi Obata, mais en moins singulier, c'est-à-dire qu'on ne voit pas vraiment la patte du dessinateur. Cependant, les dessins sont très bien maîtrisés et rendent le manga plaisant à lire -mention spéciale pour les très belles scènes nées de l'imagination délirante des buveurs de vin.
Le scénario, quant à lui, est original, bien que franchement élitiste et péremptoire : à la mort de son père, oenologue réputé, son fils doit pour toucher son héritage retrouver les vins que le père a associé au biblique, les 12 apôtres et le Christ, LE vin parfait, les Gouttes de Dieu. Bon alors ça fait un peu quête du Graal tout ça, mais ça donne une certaine puissance au scénario, une ligne à suivre ; de plus, c'est encore le meilleur moyen pour apprendre à connaître le vin en même temps que le héros novice prodige.
Car ce manga a une vocation didactique : je ne sais pas ce qu'il en est pour les amateurs, mais personnellement je n'y connais rien. D'ailleurs, je n'aime même pas le vin. Mais il est sans doute plus agréable d'apprendre en lisant un bouquin avec une histoire et des illustrations -bah oui, même quand on est grand ça aide !- que d'écouter son grand-père endormant tenter sans succès de vous convertir aux grands crus. Du même coup, un sujet dont je suis a priori à mille lieux de m'intéresser a éveillé ma curiosité : et si je me mettais au vin (bizarre dit comme ça) ? Est-ce vraiment si riche, et pas horriblement dégueulasse comme à chaque fois que j'ai goûté ? Cela évoque-t-il tant de saveurs différentes ?
Parce que dans ce manga élevant glorieusement le vin en le comparant à, entre autres, la vie, la religion, la magie, le monde et gnagnagna, on est obligé d'avoir envie de se faire son propre avis, même si ces comparaisons semblent totalement abusives. "Ouiii, en buvant ce château Mont-Perat [j'ai même retenu des noms vous voyez], j'ai vu un carnaval, un bal masqué italien évoquant le mystère, le fruité, l'élégance et le faste." "Ouiii, en buvant ceci, j'ai vu un tableau, évoquant le traditionnel lien à la terre, la force paysanne, une grande oeuvre de Machin-Chose, parce que le vin est une oeuvre d'art." Réaction : ouais ouais, c'est ça. C'est amusant mais crédible, c'est une autre histoire. Ainsi, le manga se veut élogieux à l'extrême, et est un peu décrédibilisé par ces images grandiloquentes.
Cela ne nuit pas cependant à sa richesse, et à sa grande portée instructive, qui a permis un regain d'intérêt pour le vin. J'ai appris énormément de choses, et si parfois le manga se perd dans des descriptions trop longues et méticuleuses, il est toujours intéressant de comprendre pourquoi les meilleurs chablis ne vont pas avec les huîtres (mais si, je vous jure). Le tour de force de ce manga est donc de rendre intéressantes des choses très pointues en les rendant accessibles au plus grand nombre, et en embarquant le lecteur - car j'ai été personnellement absorbée et j'ai très vite eu envie de connaître la suite.
Pourtant, au bout de quatre tomes, l'histoire n'a pas autant avancé qu'on pourrait le penser, et à ce que j'ai vu, elle avance très lentement par la suite : que faut-il donc privilégier ? La distraction, l'éducation, la trame principale ? Je suppose donc que la faiblesse du manga est de ne pas savoir choisir ; mais pour en être sûre, il va falloir que je lise la suite.