N'ignorez pas cette lecture.
Il faut que vous en sachiez un peu sur moi, avant que je ne vous parle de cette BD.
Ma mère est vigneronne en biodynamie dans le sud, et depuis un moment je travaille avec elle.
Je connais Richard Leroy, je l'ai croisé dans un salon du vin que nous avons en commun. Je l'avais d'ailleurs félicité pour sa participation. J'ai bu son vin à plusieurs occasions, et ma mère et moi aimons beaucoup. En plus, c'est réciproque: Richard aime le vin de ma mère, qui se trouve dans la liste des vins dégustés à la fin de la BD.
L'autre chose à prendre en compte, c'est que la bande dessinée, c'est le média que j'aime le plus. Donnez-moi n'importe quelle histoire, si c'est via l'art séquentiel qu'elle est racontée, j'accrocherai avec beaucoup plus de facilité et d'indulgence. Et je fais de la BD en amateur.
BREF, c'est sûrement l'intro la plus chiante que vous ayez lue sur SC, et on s'en fout complètement de ma vie. Mais ça me semblait nécessaire pour que vous compreniez pourquoi j'ai adoré cette oeuvre, puisque je suis parmi les premiers concernés par son sujet!
Vous êtes encore là? Chouette! Vous êtes courageux. Moi, à votre place, j'aurai déjà arrêté de lire.
Et si on parlait de cette BD? Bonne idée, non? Allez.
Un auteur de BD propose d'aider bénévolement un vigneron durant quelques mois, afin d'être acclimaté à la vigne et au vin. Mais ce n'est pas tout: il devra quand à lui être introduit au monde de la bande dessinée, rencontrer des auteurs, etc. Une initiation croisée, quoi.
Richard Leroy, il était banquier, bien placé, et il a tout plaqué pour devenir vigneron. Parce que là, il a vraiment le sentiment de faire quelque chose de concret. Leroy, c'est un artiste. Leroy, il est ouvert d'esprit et curieux. Alors, il accepte. Et sans hésiter beaucoup, en plus (à en croire la BD).
Même si il est toujours difficile de faire la part de vrai quand la vie devient une oeuvre d'art, tout dans "Les ignorants" semble retranscrire l'expérience telle que les deux hommes l'ont vécue. Cette sensation d'authenticité, elle est dans chaque page.
Via Davodeau et Leroy, on rencontre vignerons, cavistes, restaurateurs, critiques, journalistes, auteurs, scénaristes, dessinateurs, imprimeurs, éditeurs (futuropolis)... Et c'est passionnant! Même si, comme moi, on connait déjà ces deux mondes.
Ce qui est savoureux avec cette lecture, c'est aussi l'amalgame qu'elle implique. Woah, la phrase! Classe, non? Euh... Pardon. La comparaison entre le vin et la BD est disséminée dans les pages, et il est amusant de constater les points communs de deux arts pourtant si éloignés. Et une fois qu'on a enlevé la forme, l'essence artistique subsiste: c'est la même force, la même volonté, la même ambition, qui pousse l'un à s'asseoir à sa table à dessin, l'autre à cultiver ses vignes.
Et d'ailleurs, il est aussi difficile d'apprécier une bonne BD dans toute son ampleur, que de savoir trouver dans un bon vin tous ses arômes. Comme il suffit à Davodeau de voir un croquis quelconque, pour dire le nom de celui qui l'a fait, il suffit à Leroy de boire un vin pour savoir de quel domaine il vient, voire de quelle année.
Les BD que Davodeau va faire découvrir ne sont pas des BD commerciales, mais des BD qui en disent long, des œuvres -parfois des chef-d’œuvres- alternatives, recherchées, parfois intellectuelles, toute dignes de l'appellation "littérature" et de concurrencer les meilleurs livres.
Les vins que Leroy propose sont du même acabit: loins des vins prétentieux, loins des bouteilles affriolantes plus belles que leur contenu, il présente de grands vins. Beaucoup sont en bio, quelques-uns en biodynamie.
Si vous n'avez aucune idée de ce qu'est la biodynamie, je ne vois que trois options de ce que vous pouvez vous dire:
option 1 "Biodynamie? C'est quoi cette ineptie?"
option 2 "Tiens mais c'est quoi donc ça? Faut que je me renseigne"
option 3 "Je m'en fous de ton truc, moi c'est la BD qui m'intéresse"
En tout cas, sans approfondir excessivement, cet ouvrage mentionne ce mode d'agriculture et je crois que c'est un bon moyen, assez ludique, d'apprendre de quoi il s'agit.
Le dessin de Davodeau, je le préfère en noir et blanc. J'aime ce dessin semi-réaliste, qui est surtout là pour servir le récit, mais qui est emprunt d'une certaine beauté. Efficace, donc. Et sacrément talentueux, il faut le dire.
Sans oublier l'humour, qui ne nous quitte jamais au fil de ces 268 pages en or.
Voilà. Je crois que c'est la critique la plus longue que j'ai écrite à ce jour. Dedans, il y à le sigle BD cité à outrance, il y à ce que j'ai perçu dans cette BD (haha), il y a des phrases en trop, des blagues nulles, mais surtout, il y à moi, humble lecteur, touché par ce chef-d'oeuvre qui rassemble mes deux passions et au delà, car il parle d'un sujet qui touche un public bien plus large: ce que c'est que d'être un artiste, peu importe de quelle manière on l'exprime.
Ah, et puis il y a aussi une page signée Lewis Trondheim dedans. Décidément, il est partout celui-là.
FIN (ouf)