Nous venions à peine de recevoir cette grosse Bd en librairie que je me voyais la lire. En survolant les pages, des visions d'aquarelles familières se dévoilèrent et une page en particulier m'intrigua en particulier: la scène inversée de la célèbre toile "Les dames d'honneurs" de Diego Vélasquez. Cette œuvre est un petit diamant dans l’univers des Bd. Rien de moins.
C'est pour moi une réussite à tous les niveaux. Alliant une plume superbe, humoristique tout en étant élégante, et un dessin de haut niveau qui se démarque par la richesse de ses couleurs et la justesse des expressions des personnages, on ne peut qu'être séduits! Pour un peu, on y plongerait. On reconnaitre d'ailleurs l'artiste qui nous a donné l'excellente série "Blacksad", elle aussi en aquarelle.
Cette Bd se veut la suite d'un roman existant, le Buscon,une œuvre espagnole. En voici le descriptif: "Apparu dans l’Espagne du Siècle d’or, le roman picaresque raconte, à la première personne, la vie d’un gueux. Vagabond, mendiant, voleur ou escroc, ce héros va vivre d’invraisemblables aventures, servir de nombreux maîtres et côtoyer les diverses couches de la société. Parmi les grandes oeuvres qu’a produites le genre, le Buscón, ou la Vie de l’aventurier don Pablos de Ségovie, vagabond exemplaire et miroir des filous, publié en 1626, se distingue par la férocité de son humour. Francisco de Quevedo, figure majeure des lettres ibériques, y met en scène, avec un style outrancier mais raffiné, les cruelles et grotesques infortunes d’un truculent vaurien. À la fin de ce roman situé en Espagne, le pícaro don Pablos embarque pour les Indes. Quevedo annonce une suite, qu’il n’écrira jamais."
Donc, cette Bd est la suite imaginée par les auteurs. Nous suivons Pablos, issue de la plus basse extraction sociale espagnole qui semble possible. Afin d'améliorer son sort, Pablos part pour les "Indes", c'est-à-dire l'Amérique. Si est sympathique par ses talents d'acteur, sa bouille enfantine et une certaine autodérision, il n'en demeure pas moins que Pablos est aussi avare, menteur, voir même manipulateur. On ne sait jamais vraiment sur quel pied danser, est c'est génial! C'est d'ailleurs pour cela qu'on ne le voit pas venir avec ses manigances.Une chose est sure, le scénario est prenant, essoufflant même par moment. Non seulement on ne s’ennuie pas, mais on réalise que les auteurs semaient des détails, ça et là, histoire de rendre les rebondissements plus spectaculaires encore. J'ai beaucoup aimé les passages où Pablos raconte sa vie, où il incarne chaque personnages en formant un tableau fidèle à la scène racontée. On voit que même le graphisme est utilisé avec intelligence et ingéniosité.
Il y en aurait tant à dire sur cette œuvre, tant sur la portée morale que sur l'aspect historique. Après tout, cette histoire prend place en Amérique latine, en pleine colonisation, où la quête de l'or, l'esclavagisme engendrent des conflits internes majeurs et des conditions de vie déplorables. Et c'est sans parler de la lente agonie de la civilisation Inca.
Une chose est sure, on n'en sort pas indemne de cette lecture. Les rebondissements sont nombreux, les jeux graphiques sont attrayants, les personnages complexes et biens manœuvrés. Certains passages fendent le cœur alors que d'autres indignent notre code moral, mais parviennent à travers cela à nous faire rire! sacré tour de force que de faire le tour d'autant d'émotions. C'est une grande fresque savamment exécutée et qui mérite votre attention.