Les derniers bouquins de Davodeau sont, disons, gentillets. Celui-ci a quelque chose d'un peu plus viscéral, de plus calculé, de plus efficace, même si l'on retrouve le goût de l'auteur pour la mise en BD de "vraies histoires" qui lui sont racontées par de "vrais gens".


Mais là, difficile de critiquer la démarche.

Avant d'entrer dans le contenu, on notera une patte moins tournée vers le photoréalisme et plus vers l'expressivité (pour les personnages, pas pour le décor), ce qui n'est pas pour me déplaire. bon, c'est colorié en nuances de gris, ce qui n'est pas ma came, mais allez, la démarche se comprend. Le récit est entrecoupé de cartons sur l'évolution du pays, des années 1850 aux années 1980 (on s'arrête à la victoire de Mitterrand).


La bande dessinée commence par décrire la région entre Chaulet et Angers, les Mauges (dont l'étymologie pourrait donner son titre au livre, "les mauvaises gens"). Du portraît de cette région rurale et croyante, on passe aux récits parallèles de deux adolescents des années 1950 que l'auteur interviewe dans les années 2000. Marie Jo, qui entre chez les bonnes soeurs pour devenir institutrice, puis après avoir été virée passe colleuse de semelles dans une usine de chaussures. Maurice, que son père place en apprentissage en mécanique. Tous deux, chacun de leurs côtés, ont un éveil au syndicalisme par le biais de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne). Petite poignée de pionniers, ils apprennent à défier les patrons et créer de la solidarité dans une fin d'année cinquante où c'est encore impensable.

Ils se marient, ont un enfant. Puis un deuxième et un troisième. Et Davodeau nous le confesse à mi-ouvrage : il parle de ses parents. Et des difficultés qu'il a eues à les convaincre que leur histoire pouvait être intéressante.

A travers l'ouvrage, on suit leurs engagements militants, leurs réunions, leurs indignations, leurs rêves. On retrouve des passages obligés de ces années : 1968, la mort d'Allende, l'épopée des LIP, le Larzac, la montée de Mitterrand, à travers le milieu rural perdu des Mauges. Un milieu où un camion-bétaillère ramasse les ouvrières le matin pour les amener au boulot.

La fin du livre se recentre un peu sur l'auteur et son incompréhension totalement hermétique à l'aspect catholique de l'engagement de ses parents. Je trouve ces passages assez poseurs. J'ai été catholique et suis résolument athée désormais, mais je ne ressens pas le même besoin que l'auteur de rejeter aussi viscéralement la liturgie.

La fin, avec l'annonce de l'élection de Mitterrand qui semble pleine de promesse et le mot final, à ceux qui ont cru que c'était le début d'une époque d'avancées, tombe comme un couperet bien comme il faut.


C'est un des ouvrages de Davodeau que j'aime le plus, même s'il rend hommage à l'engagement de ses parents sans chercher à dire franchement qu'il faudrait retrouver cette candeur. Et c'est un peu dommage de ne pas aller plus loin.

zardoz6704
7
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le 24 avr. 2024

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