À la relecture de ma bédéthèque, je rouvre Les Mouches, premier tome d'une
courte série policière teintée de satanisme
par Thierry Robberecht et Alberto Pagliaro. En quelques pages à peine, je suis transporté autant par le rythme du récit qui joue d'ellipses et de raccourcis autour de personnages entiers pour nous immerger de suspense et d'angoisse, que par le dessin splendide et efficace qui séduit de courbes voluptueuses et d'ambiances oppressantes. Un volume peut-être un peu court mais diablement plaisant.
Les meurtres commencent de s'enchaîner à New York, ciblant de pieux inconnus sans histoire retrouvés là corps dépecés et remplis de mouches. Actes sacrificiels ? Avertissements ? Trois étudiants sont dépêchés auprès de l'inspecteur Lowry afin de tenter de l'aider à y voir plus clair mais bientôt la jeune criminologue Yasmine Giggs est prise à son tour pour cible. L'intelligence du scénario ce sont
les différents niveaux de résolution de l'enquête :
si l'affaire semble se résoudre à la fin de ce premier tome, d'autres implications plus profondes et plus obscures persistent, laissant l'héroïne face à l'imminence probable de nouveaux dangers, de nouvelles menaces. Thierry Robberrecht explore l'ésotérisme et le complotisme en toiles de fond d'une intrigue qui nous amène à accompagner avec plaisir et angoisse la jeune criminologue.
Le dessin d'Alberto Pagliaro est sublime, tout simplement. Lignes claires, courbes sensuelles (l'italien assurément apprécie le travail de son compatriote Milo Manara), portraits expressifs et réalistes sans forcer aux détails, décors imposants sans être trop présents : la lecture s'y trouve d'une extrême fluidité, idéale à se laisser porter à la suite de l'héroïne. La mise en couleurs de Cosimo Lorenzo Pancini pose les ambiances sans assombrir le trait, vient toujours mettre en lumière l'essentiel d'une séquence avec une forme de retenue qui joue du roman noir sans forcer, et de la
sensualité à foison,
laissant plus d'une fois le lecteur bouche bée.
Premier tome ensorcelant d'efficacité narrative et de fraîcheur graphique, Les Mouches implique le lecteur dans une aventure qui promet de creuser les manipulations secrètes de groupuscules puissants à l'œuvre derrière la marche du monde. Sans viser personne directement, mais sans complaisance non plus. Tout en développant les pistes gores d'un satanisme habité, les auteurs composent
un univers réaliste où des personnages attachants laissent un peu d'eux-mêmes
tandis que nous nous en nourrissons. Me reste maintenant à me procurer les deux tomes suivants pour vérifier que l'ambition est relevée jusqu'au bout d'une histoire plus complexe que ce que les pandores se sont là laissés conter.