Après avoir affronté les Loup-garous de Rapaceville, Guy Lefranc s'accorde des vacances bien méritées: il veut voir le soleil levant mais tombe sur une montagne, aux portes de l'Enfer.


Un pacte de lecture peu trompeur: oui, Martin réécrit Dante, oui Lefranc va visiter son Enfer !
Ou presque ...
C'est là le défaut majeur des Portes de L'Enfer. Dans la droite lignée fantastique du Repaire du Loup, poussant le surnaturel bien plus avant, ce nouvel album n'assume que peu le réalisme propre aux premières aventures du reporter et jette d'emblée son lecteur en plein cauchemar, sans réel crescendo, moteur du plaisir de lecture de la série.


Ce surnaturel n'est pas pour déplaire, tacitement lié à la menace nucléaire, l'in media res n'en est que plus prenant. Le bât blesse ailleurs. L'enfer, pavé de bonnes intentions, pouvant être aussi le cachot des ambitieux trop ambitieux. Et, comme Lucifer et Icare avant lui, il semble que Jacques Martin se soit brûlé les ailes.
On peut s'étonner de le voir faire franchir les portes de l'Enfer dantesque ailleurs qu'à Florence, quand le poète y fait allusion et quand les lecteurs ont pu suivre Axel Borg jusqu'à Venise.
Mais on se surprendra surtout de voir Lefranc affronter Satan lui-même. Non parce que Satan est Satan mais parce que Satan est loin de valoir Axel Borg, relégué au rang de sous-Borg (666-Borg, presque un robot ! ).
Délocalisé géographiquement l'Enfer de Martin perd de sa superbe, bien que s'avérant une galerie secrète, creusée à même la montagne, disposant de portes bâties par le menuisier et le maréchal-ferrant du village. Cela donne l'impression d'un Repaire du Loup inversé,un peu bas de gamme, produit avec bien moins de soin, sacrifiant à la diligence. Cela faisait sept ans que les lecteurs de l'époque attendaient un nouveau Lefranc, certes.
Présenté à travers les deux membres d'une lignée de majordomes cherchant à acquérir la particule des nobles et le titre de Comte, les Demalez/de Malez, son nom le trahissant autant qu'il ne se trahit lui-même en révélant l'endroit exact de sa tanière, le Diable a l'air bien ridicule même s'il parvient toujours à occuper des postes de puissants à même de faire brûler des innocents ou de déclencher une guerre nucléaire.
Les Portes de l'Enfer dispose du meilleur antagoniste qui soit, le Diable, et d'un potentiel menaçant de destruction incroyable, l'arme nucléaire, mais ne se contente que d'une petite histoire gentillette à l'ambiance certes un chouya anxiogène.


Il eût fallu développer le tout autrement, en présentant d'entrée de jeu le Comte de Malez, avant même l'accident d'avion initial. Le Comte serait à l'origine des attaques contre la montagne pour une raison qui échappe au lecteur jusqu'à ce que l'on révèle que le Comte est le descendant de Demalez et qu'il est le Diable en personne ! De là, une hésitation des personnages et des lecteurs quant à l'accusation portée par le récit de la sorcière. De là, la possibilité de faire traquer les héros par les forces de police, acquises malgré elles au Démon, dans toute la France, mieux encore dans toute l'Italie !


La nouvelle apparence de Lefranc, qui se veut plus aventureuse et moins nette, n'entre pas en ligne de compte, même si votre serviteur ne l'apprécie guère.


En conclusion, un bel album comme Jacques Martin sait les faire mais trop ambitieux étant donné les moyens choisis par ses auteurs.
Mais ne cherchons pas la petite bête: après tout, le Diable est dans les détails.

Frenhofer
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le 24 déc. 2018

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