Le récit, entremêlant les cheminements nocturnes de 3 groupes distincts de "paumés du petit matin", prend des accents pascaliens et m'a fait penser à cette superbe chanson de Townes Van Zandt, "Rake" (si vous ne connaissez pas, courrez l'écouter!). Pour autant, il n'a rien de révolutionnaire en soi.
Car ces dérives nocturnes sont surtout pour l'auteur le prétexte à des planches aussi complexes que magnifiques, tirant le plus souvent sur l'abstraction, qui font de cette BD un vrai livre d'art (dans le sens où, si je devais un jour la reparcourir, ce ne serait certainement pas pour relire l'histoire dans sa globalité, mais simplement pour recontempler certaines pages particulièrement fascinantes); comme annoncé par la couverture, le jeu très varié sur les lumières, sur les ambiances nocturnes, sur ces foules noctambules, ces boîtes, mais aussi ces recoins urbains désertés et glauques comme jamais au cœur de la nuit, a une allure hypnotique qui pousse le lecteur à poursuivre jusqu'au bout ce périple, cette odyssée pathétique mais esthétiquement sublimée par Brecht Evens.