Bon autant vous le dire tout de suite les réflexions qui suivent sont uniquement centré sur les premiers albums de Peyo les suites me sont inconnus (par choix) ainsi que les adaptations filmiques. Je ne propose pas là une analyse exhaustive des histoires, mais des pistes de réflexions d'une série qui part delà son aspect enfantin propose une véritable réflexion sur la société (comme quoi il n'y a pas que Tintin comme matière à philosopher).
Proposé à priori comme une série pour très jeune public les schtroumpfs posent une certains nombres de thématiques :
La série possède une dimension initiatique.
Le principe de départ de chaque aventure représente le pays des schtroumpfs vivant en harmonie, cette harmonie repose sur le principe d'une communauté d'individus indiférencier soumis à la tutelle d'un chef à figure de père, le Grand schtroumpf.
Le Grand schtroumpf :
C'est une figure paternelle,
– Il est beaucoup plus agé, il annonce un age de 525 ans quand les autres schtroumpfs n'en ont que 100 (« La flûte à six schtroumpfs »).
– Il porte la barbe.
– Il porte un habit de couleur rouge alors que les autres schtroumpfs sont habillé de blanc.
– Le Blanc apparaît là comme un signe d'immaturité, c'est une non-couleur qui évoque un état virginal précédant l'initiation sexuelle.
– A l'opposé le rouge est est une couleur forte qui évoque le sang. Le sang évoque la vie quand il bat, mais aussi la mort quand on le verse. C'est aussi le sang des menstrues il suggère ainsi l'accès au secret de l'initiation sexuelle.
– Cette initiation au mystère de l'age adulte du Grand schtroumpf est illustré par le fait qu'il est à l'égal de l'autre figure parental le sorcier Gargamel un sorcier chimiste qui comme lui possède des secrets et se livre à des expériences inaccessible à la compréhension des autres schtroumpfs.
– Le laboratoire du Grand schtroumpf est un lieu secret et interdit à l'image de la chambre des parents.
Le Sorcier Gargamel :
Autant le Grand schtroumpf se rattache au père autant Gargamel peut s'assimiler à la mère.
– Son costume de sorcier s'assimile au costume féminin.
– Il est accompagné d'un chat (Azraël) animal souvent assimilé a la femme et au foyer domestique à l'opposé du chien associé à l'homme et à l'extérieur.
– Son nom correspond à celui de la mère de Gargantua dans l'œuvre de Rabelais.
– Il se costume facilement en femme pour abuser les schtroumpfs (« La schtroumphonie et ut »).
– C'est lui qui crée la schtroumpfette selon une procédé qui emprunte semble-t-il autant à la génèse qu'a la légende rabbinique du Golem (« La schtroumpfette »).
Gargamel s'assimile à la fois au mythe du croquemitaine et à celui de la mauvaise mère, il incarne pour les schtroumpfs l'angoisse de la dévoration. La raison principale de la chasse au schtroumpfs de Gargamel étant celui de faire « une soupe au schtroumpfs ».
L'ethymologie du nom Gargamel évoque également le phantasme de la dévoration : Le nom Gargamelle venant de l'ancien provençal gargamela gosier de calamela tuyau de la gorge.
Le Grand Schtroumpf et Gargamel entretiennent une curieuse proximité.
– Ils exercent tous les deux la magie avec des grimoires et chacun connait les pouvoirs de l'autre (le Gd Schtroumpf vole une potion de réduction à Gargamel pour venir à bout du Cracoucass)
– Gargamel crée la Schtroumpfette mais c'est le Grand Schtroumpf qui la rend belle.
Autant Gargamel constitue une figure lointaine et effrayante (comme la disproportion de taille l'illustre) autant le Grand schtroumpf est une figure proche et bienveillante.
– Sa taille est semblable à celle des autres schtroumpfs, son titre de Grand n'est là que pour attester une supériorité moral.
– Son affabilité se teinte de paternalisme ainsi que l'atteste sa manière de s'adresser aux autres « mes gentils petits schtroumpfs ».
– Il permet dans certaines limites aux autres schtroumpfs d'entrer en concurrence avec lui et s'attache à leur permettre de grandir.
– Il les laisse pour un temps à eux même dans le village (« Le schtroumpfissime »)
– Il organise une expédition mobilisant tout le village pour l'épanouissement d'un seul (« Le cosmoschtroumpf ») admettant ainsi le désir de l'autre.
– Il accueille les suggestions des autres schtroumpfs en cas de crise, comme celui de construire une machine de guerre à partir d'une vieille arbalète abandonné (« Les schtroumpfs et le cracoucass »).
Entre collectif et individus
A cette fonction initiatique traditionnelle s'ajoute celle d'une constante tension de la masse des schtroumpfs vers l'individualité. Il est à remarquer que si les schtroumpfs sont graphiquement indistincts pour le lecteurs ils sont tout à fait capable de se reconnaitre entre eux et ne se confondent rarement.
Plus encore que la menace de Gargamel c'est le désir d'émancipation des schtroumpfs qui menace sans cesse l'unité de la communauté.
Les occurrences de singularité dans le cadre du village étant limités à l'imitation du père et s'incarnant dans quelques figures récurrentes :
– Du schtroumpf à lunette qui en copie le savoir livresque.
– Du schtroumpf bricoleur dont l'inventivité imite le pouvoir magique.
– Le schtroumpf costaud incarnant la force et la virilité.
Les schtroumpfs tentent régulièrement d'assouvir leurs désir d'épanouissement individuel, ces tentatives d'émancipation se soldent fréquemment par des catastrophes que le Grand schtroumpf doit par la suite réparer tout en réaffirmant son autorité.
– Dérèglement climatique à cause de la machine du schtroumpf bricoleur.
– Tyrannie et guerre civile suite aux élections et à la prise du pouvoir par le schtroumpfissime.
– Apparition du Cracoucass après que 2 schtroumpfs aient négliger la consigne du Grand schtroumpf d'enfouir une fiole de potion.
- Inondation du village après qu'un schtroupf ait ouvert le barrage pour impressionner la schtroumpfette.
Les aventures se concluent par un moment collectif (prenant souvent la forme de jeux) refondant l'unité de la communauté, le recours au jeux sous entendant un le retour à un état infantile.
L'ensemble de l'œuvre suggère que ce comportement infantile indifférencié n'est pas une solution définitive, en effet :
– Le Grand schtroumpf ne réprime pas systématiquement les désirs d'indépendance des schtroumpfs, il s'attache même à les réaliser comme pour le « Comoschtroumpf ».
– Les désir d'émancipation d'aventure en aventure ne cesse de se renouveler.
– L'apparition de la schtroumpfette introduit la notion d'altérité sexuelle au sein de la communauté.
Pose le question de l'autorité paternelle (le schtroumpfissime)
Amène le problème de l'altérité sexuelle (la schtroumpfette)
Sa dimension initiatique s'exprime surtout à travers la constante tension existant entre l'indifférenciation au sein du groupe et le désir d'individualité.
Un épisode comme le « cosmoschtroumpf » suggère qu'originalité et groupe peuvent se concilier et que le groupe peut se mettre au service du désir d'un seul, cependant il s'agit comme pour l'épisode de « La schtroumpfette » d'un compromis boiteux se traduisant par un retour au stade initial.