Ode, sans arme ni haine ni violence, à l’anarchie, Les Schtroumpfs de l’Ordre attaque un sujet qui aurait pu être traité par le créateur des lutins – qui l’aurait certainement été s’il vivait encore aujourd’hui – avec la question des lois internes à cette communauté sans crime ni délit qui, malgré son apparence calme et heureuse, cache
quelques tensions régulières entre voisins.
Le scénario du duo Alain Jost et Thierry Culliford ne fait malheureusement pas dans la finesse en avançant par à-coups, ni dans le subversif en s’attardant aux désagréments des amendes et n’abordant jamais les violences policières – faut pas rêver, après tout on reste chez les schtroumpfs – mais le récit a le mérite de rester
simple et clair, accessible donc aux plus jeunes.
Ils pourront ainsi s’y frotter à la nécessité des règles dans une société autant que s’interroger sur la légitimité d’une police qui ne serait là que pour réprimander et, du coup, envenimer les tensions plutôt que de les résoudre, plutôt que d’apaiser.
Subversif s’il en est, le discours reste soft
et, en ce sens, on y retrouve un peu là la patte de Peyo.
L’album reste agréable, tourne à l’enquête un temps et prend alors des airs de polar avec de belles scènes nocturnes, assez inhabituelles, et la poursuite d’un vandale masqué, isolé, mais le scénario, même s’il réserve quelques gags sympathiques, reste encore léger et peu creusé par rapport aux premiers albums. Ne va pas au bout de son sujet.
Côté visuel, Jeroen De Coninck se fait plaisir avec quelques décors qui sortent de l’ordinaire schtroumpf, magnifiquement colorés par Nine Culliford, dans la
charte traditionnelle de la série.
Les Schtroumpfs de l’Ordre soulève une idée intéressante dans l’envie de produire du contenu qui interroge les plus jeunes sur une question d’organisation sociale, mais dans le même temps se heurte aux propres limites abordables d’un tel sujet quand on s’adresse à l’innocence. La série continue sur une lancée dont les bases acquises assurent l’élan initial sans transgression de l’œuvre originale, sur les rails même de la fidélité à l’esprit du père Peyo, mais dont les envols ne durent malheureusement pas et se heurtent à la finesse d’esprit narrative du maître, laissant les scénaristes échouer dans le développement et finir dans la simplicité, platement : alors même quand les dernières cases célèbrent l’anarchie douce qui régit la vie des lutins,
le discours semble mignon mais, finalement dénué de sens réel, d’ampleur, ne pas être assumé.
Dommage.