"Tu es réelle Kara, mais tu n'es pas censée exister."

Nous y sommes enfin. Le 4 tome s'ouvre avec le premier chapitre 1 d'Infinite Crisis. Cet event scénarisé par Geoff Johns et dessiné principalement par Phil Jimenez est soigneusement élaboré comme un sequel à Crisis on Infinite Earths (COIE), paru 20 ans plus tôt. Par ailleurs la filiation se retrouve dans le choix plus que pertinent du dessinateur d'Infinite Crisis. En effet le dessinateur de COIE George Perez a pas mal influencé artistiquement Phil Jimenez et cela se voit. L'event est globalement plutôt propre visuellement (même si on pourrait pinailler sur certains visages assez moches) et la colorisation est superbe. Le travail méticuleux de Marv Wolfman sur COIE se retrouve également dans celui de Johns. Un catalogue impressionnant de personnages se partagent l'affiche, donnant au récit une ampleur vertigineuse. Il se dégage à un lecture un sentiment eschatologique, perceptible à travers le déchainement de destruction et de violence aux quatre coins de la planète et de l'univers, à travers l'apparition sur Terre d'un ciel rouge sang parsemé d'éclairs et de robots assassins. Le principal reproche à faire, et qui reste valable hélas pour la majorité voire la quasi-totalité des event de cet envergure, c'est le nombre élevé de séries principales qui développent certains évènements que l'on entrevoient dans les numéros d'Infinite Crisis. Le récit aurait gagné en lisibilité et aurait donné la sensation d'un rythme moins effréné si Johns avait pris le soin de rallonger le nombre de chapitres pour donner plus de visibilité à certains éléments de l'intrigue au lieu de dispatcher des éléments souvent centraux de l'intrigue dans des séries annexes, pour des raisons de merchandising qui plus est. On est parfois un peu désorienté par le déluge d'intrigues parallèles et de personnages qui jaillissent soudainement d'une page à l'autre, on a le sentiment de regarder une sorte de diaporama de scènes indirectement liées qui défilent sous nos yeux.
Toutefois les 4 premiers chapitres présents dans ce tome contiennent de nombreux moments mémorables.
Je pense d'abord à la réunion de Superman, Batman et Wonder Woman dans Infinite Crisis #1 à l'intérieur de la tour de garde de la Ligue de Justice. Les dialogues font mouche, tour à tour chaque personnage expose ses griefs : Wonder Woman rejette la vision manichéenne du monde de ses anciens partenaires et défend son approche plus radicale et moins idéaliste, ce qui suscite aussitôt la désapprobation de ses interlocuteurs qui l'accuse de meurtre. Superman reproche à Batman de vouloir tout contrôler. Quant à Batman, il reproche à Superman de ne pas faire le nécessaire pour protéger le monde, et se montre même assez sévère quand il assène à son camarade que la dernière fois que Superman a été une source d'inspiration pour quelqu'un, c'est quand ce dernier est mort contre Doomsday. On regrettera cependant que l'intervention de Mongul ait été aussi précipitée et qu'il n'ait pas donné plus de fil à retordre à la Trinité.
Il me vient ensuite en tête les retrouvailles assez touchantes entre Power Girl et Superman et Lois de Terre-2 dans Infinite Crisis #2, un des moments les plus poignants de la série.
Je pense aussi à la rencontre surprenante entre Batman et Superman de Terre-2, le duel brutal entre Lex Luthor de Terre-1 et son homologue de Terre-3 (chapitre 3), le carnage que sème Superboy-Prime dans son sillage et le retour salvateur de Barry Allen (chapitre 4).
à contrario, de nombreuses pages apparaissent dispensables. Je pense principalement aux scènes qui montrent l'escadron des étoiles monté par Donna Troy, ce qui n'est pas sans rappeler l'équipe assemblé par Harbinger et le Monitor durant la Crisis on Infinite Earths. Les deux groupes se liguent pour affronter aux confins du l'univers une menace cosmique. Malheureusement, cette intrigue parallèle n'offre rien de plus que des scènes d'exposition et constituent un apport négligeable à l'ensemble de l'event. D'ailleurs il aurait été opportun de la part d'Urban Comics de publier dans l'un des tomes consacré à Infinite Crisis la mini-série DC Special : The Return of Donna Troy pour faire la connaissance du personnage et pour mieux comprendre sa mission.
Dans le même registre, les pages qui mettent en scène l'inspecteur Crispus Allen (chapitre 1 et 4), le Spectre détruisant Atlantis ou encore l'attaque des OMACs sur Themyscira (chapitre 3) sont traités de manière trop hâtive. Pour avoir plus d'informations sur ces évènements, il faut lire respectivement les derniers numéros des séries Gotham Central, Aquaman Vol.6 et Wonder Woman Vol.2 (par chance ils sont publiés par Urban). Il serait d'ailleurs souhaitable qu'Urban publie le run de Johns sur Teen Titans Vol.3 afin de se familiariser avec le personnage de Superboy de Terre-1, ce dernier étant au même titre que son double maléfique de Terre Prime un personnage phare d'Infinite Crisis.


On enchaîne ensuite avec les épisodes 1 à 4 de la série JSA Classified qui est pour moi l'un des meilleurs arcs écrit par Geoff Johns. Les 4 chapitres, directement liés à la série Infinite Crisis, revisitent les origines confuses de la superhéroïne Power Girl. L'aspect quelque peu cartoonesque des dessins d'Amanda Conner coïncide avec le ton beaucoup plus léger instauré par l'auteur, ce qui tranche avec l'ambiance délétère et la violence graphique des numéros d'Infinite Crisis.
Johns tombe avec habileté le masque de l'héroïne. Derrière cette bimbo blonde en tenue légère n'hésitant pas à user de ses charmes pour déstabiliser la gente masculine se cache une personnalité plus complexe qu'aux premiers abords.
Par exemple, l'auteur explique avec ingéniosité la raison pour laquelle Power Girl arbore un décollette qui laisse peu de place à l'imagination : il symbolise le problème d'ordre existentiel qui travaille inconsciemment Power Girl. Karen est désorientée, égarée, tourmenté par le mystère qui plane sur ses ses origines, craignant de ne pas trouver sa place dans le monde, surtout depuis l'apparition d'une nouvelle Supergirl qui se trouve être la vraie cousine de Superman Ne sachant pas où aller car elle ne sait pas d'où elle vient, elle qui au départ était réjouie à l'idée d'être la cousine du plus grand héros de la Terre, redoute à présent de connaître la vérité et de ne pas apprécier ce qu'elle pourrait découvrir. Cependant, l'exploration de ses origines semblent devenir une nécessité lorsque ses pouvoirs se mettent à dérayer et qu'elle se met à avoir des hallucinations. La fragilité émotionnelle de Kara est exacerbé par les assauts psychiques répétés du Psycho Pirate, un antagoniste qui avait déjà joué un rôle de premier plan dans Crisis on Infinite Earths. On a encore droit à un énième méchant qui manipule les esprits et les pensées, cependant au regard de son implications dans la première Crise, sa présence est largement justifiée.
En outre, je recommande pour la lecture de ces 4 chapitres de se familiariser avec certains récits de l'Âge de Bronze antérieurs à Crisis on Infinite Earths (à l'époque où il existait un multivers et donc une Terre-2) afin de pouvoir apprécier pleinement les références et les clins d'oeil que Johns distille subtilement dans son récit. Je pense notamment au team-up avec Huntress de Terre-1 qui est loin d'être anodin puisque sur l'ancienne Terre-2, la super-héroïne sous les traits d'Huntress était la meilleure amie de Power Girl.


L'Infinite Crisis Special : Day of Vengeance clos la mini-série éponyme marque le retour de quelques poids lourds du monde magique (Nabu, Zatanna, le Phantom Stranger) qui échafaudent un plan pour vaincre définitivement le Spectre qui poursuit sa croisade aveugle contre la magie et ses utilisateurs. Un épilogue en demi-teinte car les protagonistes initiaux de Day of Vengeance sont hélas mis en retrait pour laisser la place à des têtes d'affiche plus illustres. Ce sont logiquement le Spectre et Nabu qui volent la vedette, ces deux entités ancestrales s'opposent dans un affrontement titanesque. De son côté le Shadowpact, assisté d'une pléiade de magiciens, tente de réparer les pots cassés par l'Esprit de la Vengeance. Ils sont chargés de capturer les 7 péchés capitaux, une mission dont ils s'acquitte sans guère de difficulté (ce qui est assez frustrant), un peu trop vite expédiée à mon goût. Le récit se conclue néanmoins de manière satisfaisante avec l'honorable sacrifice de Nabu, sacrifice qui permet ainsi de mettre un point final au agissements insensés du Spectre et de permettre qu'un nouvel âge de la magie voit le jour.


L'Infinite Crisis Secret Files accueille le scénariste de Crisis on Infinite Earths Marv Wolfman assisté au dessin par le talentueux Dan Jurgens. Le duo livre est épisode très convaincant sur les coulisses de la Crise et les antagonistes de l'event, et qui de mieux pour dévoiler le sort réservé aux héros qui se sont sacrifiés pour permettre à l'univers de subsister à la fin de COIE que le scénariste qui a lui-même écrit ces évènements tragiques. Wolfman fait évoluer drastiquement son personnage d'Alexander Luthor. Ce dernier découvre qu'il a commis une erreur en venant se réfugier dans un sorte de nexus des réalités, où le temps s'accumule mais ne s'écoule pas, une dimension qui prend de plus en plus l'aspect d'une prison. Insatisfait de son sort mais aussi des agissements des héros sur la Terre pour laquelle il a tout sacrifié, Luthor nourrit le projet de trouver un Terre parfaite, exempt de défauts. Wolfman propose un antagoniste moins manichéen qu'à l'accoutumé. Concernant Superboy-Prime, son changement radical de personnalité est bien maîtrisé. Ce numéro marque l'effondrement psychologique progressif du personnage, jaloux du Superboy de la Terre, hanté par la disparition de ses proches et de son ancienne vie, rendu fou peu à peu par l'isolement et aigri par les manipulations de Luthor Même Superman de Terre-2, parangon de vertu, en vient à reconnaître qu'ils n'ont pas sauver la bonne Terre et les bons héros, ne supportant plus de voir sa femme mourir à petit feu sans pouvoir rien n'y faire. Ce numéro spécial est pour moi un épisode charnier de l'event et un indispensable.

Fakin
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le 1 janv. 2021

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