Critique de Shaynning

Jesus et Bouddha prennent enfin de vacances après des siècles de travail divin et ils ont choisissent de s'établir dans un petit appartement dans la métropole japonaise Tokyo. Nous les suivons dans leur quotidien, occupés autant à apprécier la vie urbaine que de s'adapter au 21e siècle.

Je suis de ces lectrices pour qui la religion est un éléments parmi tant d'autres pour un personnage et étant athée, la religion n'a pas d'importance pour moi. Je ne connais guère la religion bouddhiste non plus. En ce sens, tout le volet théologique m'est peu relatif, je ne sais donc pas si certaines associations sont erronées ou si certains passages sont indélicats, je prend ce manga au premier degré, sans songer à ce qui peu clocher de ce côté. Je n'ai tout simplement pas assez d'information pour établir quoique ce soit de solide sur cet angle du manga. Pour moi, Jesus et Bouddha sont pratiquement plus des personnages historiques que de réelles figures divines dont il faut sans cesse sortir les gants blancs pour en parler. Et les personnages historiques étant d'abord et avant tout des gens, il est donc normal de leur faire un portrait "humanisé" et 'humanisant".

La seule chose qui me semble agréablement rafraichissante sur le volet religieux est d'avoir fait côtoyer deux figures religieuses issues de deux religions différentes. Il y a des bases communes à ces croyances et à travers les deux amis, on les perçoit bien.

Parmi les éléments qui me font sourire, il y a cet écart de traitement envers la richesse. Pour Bouddha, pour qui le minimalisme et la simplicité sont de mise, dans une religion qui semble elle aussi aller en ce sens, qu'il soit près de ses sous et radin sur les bords me semble cohérent. Jésus m'a surprise pour sa part, car techniquement, Jesus aussi est un homme qui prêchait la vie simple et le partage des ressources. Néanmoins, si on le prend dans le sens plus "satyrique", un Jesus en adéquation avec la scandaleuse et ostentatoire richesse du Vatican me semble drôle. Après tout, la religion chrétienne est incroyablement hypocrite sur ce point, ironiquement plus visible, avec sa banque bien garnie, ses bâtiments décorés d'or massif et d’œuvres d'art monumentales, ses nombreux actifs et bien sur, l'argent massif utilisée pour couvrir les innombrables crimes sexuels commis par les religieux.ses. Hum...bon, j'en connais quand même plus sur cette religion, je reconnais. Donc, voir un Jesus faire exactement ce que font les chefs du Vatican me fait bien rigoler.

Ces deux hommes ont deux milles ans environ, mais en même temps, de ce que j'en comprend, à part leur court passage sur terre, le reste s'est déroulé au ciel où se côtoient plusieurs religions. En ce sens, ils débarquent dans un monde qu'ils pensent connaitre à travers les doléances des divers humains à travers les âges, mais en y passant des vacances, ils se révèlent peu actualisés, naïfs et même remplis de travers typiquement humains. Mais c'est justement ce qui est cohérent pour moi: Ils SONT humains à la base,il est donc logique qu'ils aient des vices et des défauts. Cela dit, il est vrai que pour des hommes ayant passé de nombreuses années à côtoyer la misère humaine, ils pourraient être plus "sensibles". D'ailleurs, certains se plaignaient de ce côté "immature" de Jesus face aux écrans, au magasinage et au monde de la consommation en général. Encore une fois: Il n'a connu que le début du premier millénaire, bien sur qu'il n'est pas taillé pour résister et se gérer face à cette massive surexposition aux stimulus, des millions d'humains modernes n'y arrivent pas! S'il est divin dans son symbole, il est humain dans son essence, et donc a les mêmes faiblesses. En outre, Bouddha, avec ses méditations et ses nombreuses techniques de gestion de soi le rendent donc logiquement moins susceptible de tomber dans les nombreux pièges du marketing. Il semble être souvent plus pragmatique et raisonnable que Jesus, qui a pour sa part un côté plus impressionnable et émotif. Quoique Bouddha a aussi un budget à gérer qui laisse entendre que ses actifs financiers sont maigres. Il a donc de bonnes raisons de tempérer son ami dans ses désirs matériels.

Là où je peux comprendre l'agacement cependant est que les auteurs qui font vivre des héros à la longévité très longue oublient toujours que l'âge de leur corps ne suit pas l'âge de leur âme. Twilight était un excellent exemple de flop en ce sens: Non Edward, tu n'as pas 17 ans sous prétexte que ton corps est resté coincé à 17 ans, tu en a 117, c'est extrêmement louche de coucher avec une ado suicidaire et stupide que tu peu aussi boire comme une slush à la cerise. Mais je m'égare! Mon propos est que nos deux "jeunes" hommes ont en effet près de 2000 ans et ça ne se sent pas. C'est quelque chose qui aurait davantage mérité d'importance, mais ça aurait aussi grandement alourdit le manga, qui se veut d'abord léger et comique.

Ce qui m'amène a traiter de la relation entre les deux hommes. Je pense que c'est ce que je regardais le plus. J'ai remarqué leur façon de se soucier l'un de l'autre, même avec certaines maladresses, et leur complicité touchante. Ils sont même un humour un peu décalé et pas spécialement profond similaire.

Quand à l'humour, il est parfois un peu "premier degré" et d'autres fois plus réfléchit. Reste que ça m'a fait souvent fait sourire, avec les petites répliques personnalisées, les associations douteuses ou encore les particularités magiques de deux êtres divins ( la tendance des animaux à se "sacrifier" pour les besoins de Bouddha ou encore les miracles parfois problématiques de Jesus). Il m'aura fallut attendre le tome 2 pour mieux cerner certains traits de Bouddha, que je ne connais pas beaucoup. Il y a également quelque chose de comique dans les complexes des héros face à leur représentations artistiques. Bouddha est désespéré d'être représenté gras, alors même qu'il a souvent jeûner et est relativement mince de manière générale. Je réitère que les personnages sont humains à la base, avoir des complexes c'est humain. C'est néanmoins Jesus qui me semble le plu à plaindre. Il est très souvent représenté mort sur sa croix, le corps ensanglanté, une couronne d'épines écorchant son front et pratiquement dénudé. Pour une religion supposé parler d'amour et de vivre ensemble dans la paix, j'ai souvent trouvé extrêmement gore de présenter continuellement un cadavre sur une croix comme "symbole" religieux. "C'est pour vous rappeler que Jesus à souffert pour vous", nous a déjà expliqué un prêtre en cours de catéchisme, en oubliant toutes les souffrances que l'Église a elle-même infligée à d'innombrables humains. Ça alors, une autre contradiction! Ah et mention spéciale aux innombrables chandails avec toute sorte de petits clins d’œils aux deux religions.

Bref, il faut en prendre et en laisser, mais dans l'ensemble, c'est amusant et comme en Amérique la religion est encore un formidable tabou pour bien des gens, ça me rassure que d'autres pays s'amusent à en faire de la comédie. C'est le genre de manga léger qui se lit bien entre deux arrêts de bus, puisque ce sont plusieurs petites chroniques dans le quotidien qu'on peut lire indépendamment les unes les autres.

Pour un lectorat adulte