Elevée à la fin du XIXe siècle dans le culte d’Homère, Salomé Ziegler est capitaine et armatrice de l’Ulysse, un petit cargo mixte. Elle embarque l’élève peintre Jules Toulet dans une quête insolite, qui les conduira à sillonner la Méditerranée sur les trace d’Ammon Kazacz, un vieil artiste réputé pour ses représentations de la Grèce antique.
Le format de 272 pages place Les voyages d’Ulysse dans la catégorie des « romans graphiques », un standard qui nous a accoutumé aux dessins épurés, stylisés ou bâclés. Or, son graphisme est, pour parler comme ma fille, une « tuerie ». L’album est dessiné à deux mains. Emmanuel Lepage assure l’essentiel, vous apprécierez ses paysages et ses marines (pages 13, 169 ou 221), tout en confiant les œuvres attribuées à Kazacz, peintures et esquisses, à son aîné René Follet. Le trait réaliste du premier, tout de sobriété monochrome, diffère agréablement des peintures léchées du second.
Sophie Michel signe un scénario d’une rare subtilité. Judicieusement intercalés, de longs extraits de l’Odyssée viennent raviver les mémoires défaillantes. Les trois héros et les seconds rôles sont parfaitement décrits. Salomé est une fascinante femme, courageuse et libre, un archétype inconnu des Grecs anciens. La « femme forte » est une création juive : Esther, Déborah, Yaël, Judith furent respectivement coépouse d’un roi de Perse, prophétesse et tueuses de généraux ennemis, souvenez-vous d’Holopherne !
J’émettrai une petite réserve sur la résolution de l’histoire. Les rebondissements sont habilement amenés, mais l’objet de la quête, tout d’un amour filial que n’aurait pas récusé le grand Homère, semble néanmoins secondaire.