Les yeux révolver

Après Mission caïman qui signait les véritables débuts de la saga avec ses caractéristiques propres (le concept de Bruno Brazil et de son commando), Les Yeux sans visage embraye sur un récit aux confins du fantastique et du thriller. Nulle question ici d'espionnage (il ne s'agit d'ailleurs pas d'une mission à accomplir), pas davantage de récit martial. Le jeune commando qui a été créé lors de l'épisode précédent est victime d'une machination puisqu'on s'attaque à plusieurs de ses membres. Qui a suivi l'aventure précédente comprend vite qui est derrière cette histoire de manipulation mentale qui, à défaut d'être originale, est franchement bien conduite. Elle permet aussi d'approfondir les différents personnages même si certains sont, comme lors du tome deux, davantage mis en évidence que les autres.

Dans un environnement urbain, William Vance se révèle encore plus à son aise avec des dessins remarquables, notamment de véhicules. Il commence, par ailleurs, à sortir des vignettes afin de faire mieux vivre l'action, procédé qui deviendra sa véritable signature dans les albums suivants. Un bijou de vignette en noir et blanc s'intercale également au milieu d'une planche, donnant à l'ensemble un ton baroque qui colle parfaitement à une série qui, d'un album à l'autre, construit son univers. Les scènes d'action, particulièrement soignées ici, renforcent l'aspect trépidant d'un récit qui a la bonne idée d'être moins bavard que le précédent. Cela permet ainsi de mieux mettre en évidence l'ironie qui inonde les paroles des différents personnages. Un ton distancié qui n'oublie jamais de rappeler que le monde dans lequel ils évoluent est véritablement dangereux et peut être fatal à tout moment. Autrement dit, et c'est parfaitement bien amené, les héros de cette série ne semblent pas à l'abri d'une mort prématurée.

Si le récit est parfois tiré par les cheveux et le prétexte un peu léger, le scénario est mieux maîtrisé que lors des deux premiers opus. Greg trouve avec ce titre un véritable équilibre sur lequel il va certainement pouvoir s'appuyer durablement. Ses personnages sont en place, le ton de la série aussi et la palette d'histoires potentielles semble relativement large. La saga est donc sur de bons rails. On regrettera simplement un final expédié avec une ultime planche qui laisse quelque peu sur sa faim.