https://branchesculture.wordpress.com/2015/04/29/julien-revenu-ligne-b-casterman-chronique/
Avec Ligne B, Julien Revenu nous propose un retour de dix années en arrière, dans le Paris aux banlieues embrasées, et propose de suivre le parcours de Laurent. Un homme bien sous tous les rapports qui par la force de la peur et de l’inquiétude va doucement quitter sa trajectoire toute tracée pour sombrer dans la volonté de se faire respecter.
Si ce n’est quelques retards pour prendre son job dans un magasin de téléphonie, Laurent est irréprochable. Jeune papa dévoué, bien pensant, mari un peu dépassé par l’autorité de sa femme qui lui répète une fois de plus qu’il a un permis à passer. Un homme comme les autres, qui avancent incertain dans une vie qu’il n’a pas trop choisi mais qui lui convient. Puis, comme dans les récits fantastiques, le dérapage, l’élément déclencheur d’une descente aux enfers inéluctable: Laurent se fait violenté par des jeunes racailles qui lui piquent son portable.
Un vol qui réveille le passé de Laurent, martyr des harceleurs à la sortie des écoles, des racketteurs et maîtres-chanteurs qui lui prenaient tout, de plus en plus. Et Laurent qui ne disait rien. Mais, de ce passé, Laurent semblait s’en être acquitté, les avait oublié ou plutôt refoulé, pour mieux resurgir. Et là, voilà que tout lui revient à la figure, prêt à l’emmener dans son côté sombre et à lui faire commettre l’irréversible, l’irréparable.
Avec Ligne B, Julien Revenu signe un récit qui au fil des pages est de plus en plus glaçant. Une chute infernale qui va de paroxysme en paroxysme, installant torpeur et tension chez le lecteur. D’autant que Revenu réussit parfaitement à retranscrire le climat tapageur et aride socialement qui devait régner dans les banlieues durant cette triste période. Sans stigmatiser, le dessinateur se révèle fortiche pour conduire ce récit réaliste avec son dessin caricatural et très expressif. Mais Ligne B possède également l’atout d’un côté très synthétique: pas besoin d’en dire trop, quelques cases suffisent à planter un décor.
Et puis, il y a ce finale inattendu, ce no man’s land saisissant, ce chemin qui nous guidait inconsciemment vers le non-retour. Un accès de rage et de violence inattendu mais terriblement à-propos. Une chronique sociale qui se transforme en poursuite du désenchantement âpre mais nécessaire. Un ouvrage qui remue!