Qui est l’homme qui se cache derrière l’acteur Lino Ventura? Et comment cet ancien catcheur est-il devenu l’une des figures les plus populaires du cinéma français? Pour le savoir, le journaliste Merlin décide de forcer le hasard. Plutôt que de compter sur une interview traditionnelle, il multiplie les rencontres fortuites avec Lino Ventura pour l’amener à se confier sur son parcours. A la sortie de son hôtel, dans le hall d’un aéroport, au comptoir d’un bistrot, dans le train… Merlin lui colle véritablement aux basques. Dans un premier temps, Lino Ventura se montre peu causant, comme à son habitude. Mais petit à petit, une complicité s’installe entre le colosse des « Tontons flingueurs » et le journaliste maladroit. "Pourquoi est-ce que vous m’émouvez, Merlin?", lui demande l’acteur. "On a toujours pitié des types avec des lunettes", lui répond l’autre. Lentement mais sûrement, Lino Ventura laisse tomber une partie de sa carapace. Tout en restant fidèle à sa légendaire pudeur, il dévoile au journaliste quelques-uns des moments qui ont fait de lui cet homme profondément humain: son enfance à Parme, son arrivée en France, ses combats de catch, ses débuts dans le cinéma à 34 ans, sa rencontre avec Jean Gabin, ses amitiés indéfectibles, son engagement en faveur des enfants handicapés. Par petites touches, la personnalité de Lino Ventura se dessine. On découvre un homme qui était un acteur né, mais qui s’est retrouvé dans le cinéma totalement par hasard. On découvre aussi un acteur qui était intraitable sur les scénarios qu’on lui soumettait et qui a refusé un nombre impressionnant de grands rôles, y compris celui de Noiret dans "Le vieux fusil" ou celui de Depardieu dans "La chèvre". Pas question non plus de lui faire jouer des scènes de baiser ou de lit. Lino Ventura était un minimaliste, un maître du non-jeu. A travers cet entretien fictif, on découvre surtout qu’il n’a jamais voulu se faire passer pour ce qu’il n’était pas et qu’il a toujours fait ce qu’il voulait et rien d’autre.


"Lino Ventura et l’oeil de verre" est l’un des deux premiers albums de la nouvelle collection 9 ½ lancée par les éditions Glénat. L’objectif de celle-ci est de raconter le destin des hommes et des femmes qui ont marqué l’histoire du cinéma, que ce soit devant ou derrière la caméra. L’autre album publié simultanément est d’ailleurs consacré au réalisateur italien Sergio Leone, le père du western spaghetti. Mais l’approche adoptée par Arnaud Le Gouëfflec et Stéphane Oiry dans "Lino Ventura et l’oeil de verre" est radicalement différente de celle de cet autre album de la collection 9 ½. Là où les auteurs de "Sergio Leone" ont opté pour une biographie plutôt sage et classique, Le Gouëfflec et Oiry nous racontent Lino Ventura d’une manière beaucoup plus originale et décalée, en s’intéressant avant tout à la personnalité de l’acteur. Leur album n’est sans doute pas le meilleur ouvrage à consulter pour ceux qui veulent connaître dans le moindre détail la vie de Lino Ventura mais par contre, il offre une immersion fascinante dans la tête de cet homme pas comme les autres, dont le jeu reposait avant tout sur les regards et les silences et qui était d’une intégrité et d’une droiture véritablement hors du commun. L’approche des auteurs de "Lino Ventura et l’oeil de verre" s’apparente à celle d’un peintre impressionniste ou même pointilliste puisque c’est grâce à des petites touches qu’ils parviennent à forger un portrait global convaincant. En insérant dans leur récit le personnage fictif d’un journaliste plutôt collant et en troquant la narration linéaire pour une multiplication de flash-backs (y compris sous une autre forme graphique lorsqu’il s’agit de l’enfance de l’acteur), Le Gouëfflec et Oiry parviennent à conserver l’attention de leurs lecteurs tout au long des 130 pages de l’album, ce qui n’est jamais une mince affaire dans une biographie dessinée. Bien sûr, cet ouvrage plaira avant tout (voire même exclusivement) aux amateurs de Lino Ventura, mais on peut dire qu’il s’agit d’une entrée en scène très réussie pour la collection 9 ½, dont les prochains épisodes seront consacrés à Alfred Hitchcock, Patrick Dewaere, François Truffaut et Jayne Mansfield. Moteur! Ça tourne!


Plus de critiques BD sur mon blog AGE-BD.

matvano
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleures BD de 2019

Créée

le 28 avr. 2019

Critique lue 528 fois

8 j'aime

matvano

Écrit par

Critique lue 528 fois

8

D'autres avis sur Lino Ventura et l'œil de verre

Lino Ventura et l'œil de verre
freddyK
7

Pour Bien Poser Son Lino

Difficile d'embrasser la vie et la carrière d'un monument comme Lino Ventura le temps d'une simple bande dessinée même quand cette dernière fait 139 pages. C'est pourtant la ligne directrice de...

le 16 août 2020

3 j'aime

Lino Ventura et l'œil de verre
Nataba
5

Critique de Lino Ventura et l'œil de verre par Nataba

On n'apprend pas beaucoup sur Lino Ventura.Ce n'est pas désagréable mais on ne reconnait pas toujours Lino Ventura dans les dessins. Dommage !

le 20 juil. 2024

1 j'aime

Lino Ventura et l'œil de verre
Ilnyakemaille
7

Critique de Lino Ventura et l'œil de verre par Ilnyakemaille

une sympathique évocation de Lino le bourru, l'intègre, le fidèle, le catcheur et l'acteur à travers des entretiens fictifs avec un journaliste crampon ... (pas toujours convaincu mais parfois...

le 25 mars 2022

Du même critique

L'Autre - Le Rapport de Brodeck, tome 1
matvano
10

Manu Larcenet n'en finit pas de nous impressionner

Manu Larcenet est déjà de retour. Un an seulement après avoir conclu de maîtresse façon la terrible saga « Blast », qui lui avait pourtant demandé une énorme débauche d’énergie, l’auteur français...

le 9 avr. 2015

32 j'aime

2

Peau d'homme
matvano
8

Et si on pouvait changer de peau?

L’histoire se passe dans l’Italie de la Renaissance. Bianca, une élégante jeune fille de bonne famille, vient d’avoir 18 ans. Ses parents estiment donc qu’il est temps de lui trouver un mari. Bianca...

le 7 juin 2020

27 j'aime

1