D'abord paru en 2011 et aujourd'hui réédité aux éditions Dragaud, Lomax est le récit librement inspiré des aventures d'Alan Lomax, le fameux chasseur de folksong qui parcourut l'Amérique des années 1930 à la recherche de pépites musicales pour valoriser le patrimoine musical des Etats-Unis.
Inaugurée par John Lomax, le père d'Alan, cette quête est à l'origine du succès mondial que connut la blues par la suite. Dans la BD qu'il consacre à cette grande aventure, Franz Duchazeau offre au lecteur contemporain une fenêtre ouverte sur le quotidien des Afro-américains à cette époque, au Sud des Etats-Unis.
Lors de leurs péripéties, Alan et son père en voient de toutes les couleurs. Du chanteur de rue au bucheron, du saloon au champ de coton, les épisodes se succèdent et forcent les protagonistes à enfin ouvrir les yeux sur la dureté de la société dans laquelle ils ont toujours vécu de façon privilégiée.
Duchazeau ne lésine pas sur les clichés : les blancs sont brutaux, intolérants, les noirs craintifs, "apprivoisables"...
Ce fossé racial est relayé par le style pictural : l'absence de couleurs laisse place à un contraste flagrant entre le noir des traits et le blanc du papier. Le dessin, très épuré, voire même laissé à l'état de croquis ou d'esquisse, privilégie l'expressivité des personnages au souci du détail.
Et voilà que peu à peu la chasse au son prend une tournure de plus en plus politique. Les chanteurs ne se contentent plus de chanter, et les conséquences de leurs actes ou de leurs revendications s'avèrent parfois fâcheuses.
Enfin, l'aventure permet à Alan Lomax de murir, à la manière du héros d'un roman de formation. Mais tandis qu'il parcourt les Etats-Unis à la recherche d'esclaves, grandit en lui un sentiment de liberté jusqu'alors inconnu... Paradoxal, non ?