John et Alan Lomax, père et fils, ont eu une importance considérable dans l'histoire de la musique américaine. Sillonant les routes de l'Amérique de la première moitié du XXième siècle pour la Bibliothèque du Congrès, ils ont rendu possible la conservation de tout un patrimoine, en enregistrant sur des cylindres de cire des morceaux qui auraient perdu sans eux. Pour ce père et ce fils progressistes, l'Histoire ne pouvait pas s'écrire en oubliant ces personnes à la condition précaire, cow-boys, travailleurs du chemin de fer ou esclaves. Tous ces gens qui n'avaient que la musique et leur voix pour s'exprimer.
Cet album se concentre sur les années 1930, quand ils entreprennent de collecter le blues par ceux qui le jouaient. Des afro-américains dans une Amérique ségrégationniste. Leur entreprise s'est heurtée à la méfiance de certains d'entre-eux, et de toute cette Amérique blanche et haineuse. Leur démarche leur redonnera un peu de dignité, un peu trop d'espoirs à certains et quelques problèmes.
Si la démarche documentaire est présente, il ne s'agit pas pour autant d'une biographie ou d'un reportage reconstitué. Car c'est un album avec une âme, un esprit, une sensibilité. L'encre remplit les espaces, redonne du volume et donc du corps à un certain nombre de personnes croisées. Mais le trait de pinceau de Frantz Duchazeau sait aller aussi à l'essentiel, à quelques traits, pour des silhouettes plus épurées, plus fragiles.
Lomax est un album violent et doux à la fois, comme ont pu l'être les meilleures chansons de blues de cette époque.