Critique de Lost Brain par Greg
Bien meilleur que cette escroquerie de Death Note.
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le 20 mars 2011
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Rarement, dans quelque œuvre que ce soit, je me pique d’une affection particulière pour le personnage principal. Non pas que ceux-ci me soient nécessairement antipathiques, mais à la question « quel est ton personnage préféré », le protagoniste en chef, excepté en de rares exceptions, ne trouve sa place à la première place du classement ou même parmi les dix premiers lauréats. Peut-être est-ce que cela tient au fait que la focale soit portée trop longtemps sur lui, qu’à force que le mystère s’estompe, il s’avère à nos yeux comme une épouse de longue date qu’on peine à trouver aussi affriolante qu’une nouvelle venue dont on sait peu de choses, mais dont quelques atouts suffisent à nous attirer sa sympathie.
Tout ça pour dire que, si je hais le personnage principal de Lost Brain – et par extension tous ceux qui l’environnent – ça ne tient pas à ce tempérament qui est le mien, mais au fait que son auteur a écrit sa personnalité d’un trait de plume. D’un trait dessiné d’une main tremblante.
N’est pas Light Yagami qui veut et ce, même si le dessin se rapproche de ce dont est capable Takeshi Obata. Je condamne avant même d’avoir à instruire l’affaire : c’est une copie aussi bâclée qu’assumée qu’on trouve au travers des pages de Lost Brain. Lost Brain… ce titre… rien que lui prête le flanc à quelques estocs mortelles. Mais je les contiens au fond du fourreau. Il y a tant à dire avant que ne vienne l’heure d’achever la bête. Commençons déjà par l’entamer.
Hiyama Ren est un étudiant blasé et froid, réputé pour être le meilleur lycéen de tout le Japon. Encore une fois, je précise, je ne parle pas ici de Light Yagami, mais de Hiyama Ren. Rien à voir, excepté que tout est pompé du premier par le second à défaut de l’essentiel, du substrat qui faisait de Kira un personnage si entier et faillible en dépit de sa suprématie intellectuelle ; de ce qui le rendait intéressant. À la place, en guise d’émule, vous aurez à vous rassasier d’un petit con atrabilaire, apparemment revenu de tout, devant lequel nous devrions nous ébaudir de ses démonstrations d’intelligence.
Un manga Mind Game, je l’ai déjà écrit à l’occasion de mon retour sur Liar Game, n’a pas nécessairement besoin de travailler son intrigue, ses protagonistes, ou même son dessin pour être exquis. Mais ça n’est pas pour autant qu’il faut systématiquement négliger ces aspects dès lors où l’on s’adonne à ce registre. Car à moins de compenser les carences flagrantes du manga présent pour ce qui tient de l’écriture en nous gratifiant de jeux d’esprit franchement spectaculaires, on n’a aucune excuse, en tant qu’auteur, pour nous jeter sous les yeux une composition si médiocre. Et cela sera dit en propos liminaire, rien que pour donner le ton.
Quel meilleur pendant, pour ce désagréable taciturne au-dessus de tout, qu’une jeune fille naïve – et mignonne bien entendu – pour nous faire savourer le récit en aussi bonne compagnie ? Il n’y a, dans Lost Brain, pas l’ombre d’une esquisse de tentative visant à nous offrir un contenu original. La nouveauté y est proscrite, il faut alors aimer les plats réchauffés au radiateur pour y trouver son bon plaisir.
On entre dans le dur – dans le moins mou – lorsqu’il est question d’aborder les mécanismes de manipulation psychologiques. Ils sont assez intéressants et bien présentés ; le manga ne tient qu’à ça en réalité, aussi a-t-il un intérêt tout particulier à soigner cet effet bien spécifique.
Seulement voilà, plutôt que se montrer précautionneux en abordant un sujet aussi sensible pour ce qu’il a de contestable – à savoir celui de l’hypnotisme – voilà que nous avons, dès le deuxième chapitre, une ellipse au terme de laquelle Hiyama maîtrise tous les rudiments de l’hypnose au point où cela tient très franchement de la magie noire. Une évolution et un apprentissage progressif, à force d’expérimentations hasardeuses avec ses succès et ses revers, aurait été une étape du récit franchement plus appréciable dans l’idée. En somme, plutôt que de nous gratifier de l’ellipse, nous aurions eu tout à gagner, en tant que lecteur, à découvrir pas à pas l’apprentissage du personnage principal. Mais le voilà mastermind – littéralement – en un chapitre et demi. Belle occasion manquée.
Nous découvrirons les techniques de manipulation par l’hypnose par la suite, mais celles-ci seront toutes acquises par le protagoniste. De là, avec tout un grimoire de techniques déjà rempli au taquet, il ne lui restera plus qu’à rouler sur tout et tout le monde.
Un manga typé Mind-Game, comme toute œuvre où il est question de confrontation par ailleurs, suppose la difficulté – ne serait-ce qu’un semblant – pour nous tenir à ses basques. Même si Liar Game était chiche de ces adversités, Shinobu Kaitani en avait distillé afin que tout ne se déroula pas comme prévu en toute occasion. Lost Brain sera ici le festival du Keikaku Doori permanent où tout est gagné d’avance pour un héros envers lequel on ne ressent rien si ce n’est peut-être une exaspération molle.
Et le travail de recherche sur l’hypnose, une discipline pourtant déjà sujette à la controverse quant à ses applications concrètes et son efficacité avérée, sont superficielles au possible. Une vague évocation du programme MK Ultra en trois lignes et voilà l’affaire rendue. Il faudrait peut-être pousser un peu, monsieur Tsuzuku Yabuno.
Mais l’auteur ne veut jamais prendre son temps et s’appliquer, il ne veut pas y aller pas à pas, mais Tu Schuss et sans skis. Forcément, en bout de course, tout ça se casse immanquablement la gueule. Et pourtant, ça aurait pu tenir debout comme affaire. Ça aurait pu, il y avait le potentiel ; l’exploitation de l’hypnose cependant, laisse très largement laissé à désirer.
Ah ça pour aller vite en besogne. Deux chapitres et Hiyama a déjà à sa botte des dizaines de zombies hypnotisés par ses soins à même d’obéir au moindre de ses ordres. Et d’ailleurs, ça tombe rudement bien, le secrétaire d’État rend une visite à l’école. Hiyama utilise un de ses cobayes pour en faire un kamikaze à la grenade.
Où Hiyama s’est-il procuré des grenades ? Comment peut-on induire un état d’hypnotisme si fort chez un individu qu’il peut se suicider ? Comment se fait-il que le personnel de sécurité du secrétaire d’État n’ait pas bougé une oreille en voyant un élève hurler des slogans hostiles et plonger la main dans son sac ?
Rien n’est pensé avant d’être ici accouché sur le papier. Le pouvoir de Hiyama est déjà absolu – comme s’il avait un Death Note… – et le voilà déjà rendu à réduire le Japon sous sa coupe par le pouvoir présomptif d’une hypnose dont on ne connaît rien à ce stade. Le TGCM agit pareil au nord de la boussole de Lost Brain, il n’y a ici que ça pour régir la direction que prendra tout le récit.
J’aimerais ne pas avoir à vous dire, ne pas avoir à sans cesse insister, pour vous dire à quel point Lost Brain est une resucée branlante de Death Note, mais voilà que Kuonji Ikki vient ostensiblement jouer le rôle de L. Voudriez-vous faire abstraction du calque venu lier les deux œuvres que vous ne le pourriez pas, même en fermant les yeux.
En moins de temps qu’il en faut pour le dire « Lost Brain est à chier », voilà que la police a déjà déterminé que l’hypnose est en cause dans l’affaire d’assassinat du secrétaire d’État. Comment ? Pourquoi ? À partir de quels éléments ? Encore une fois, suivez le nord de la boussole et obtempérez, rien ne sera expliqué.
Au passage, Hiyama, éminence intellectuelle de premier plan, présente son plan d’assassinat à un élève envers lequel il n’a aucune confiance et qu’il connaît d’ailleurs très peu. Mais je vous jure qu’il est très n’intelligent le monsieur. La narration et les figurants n’arrêtent pas de nous le dire. C’est que ça doit être vrai.
Les preuves, pour corroborer cette thèse, nous font cependant cruellement défaut.
Kira était intelligent non pas parce qu’il était présenté comme le premier élève du Japon sur le plan académique, mais parce que les utilisations qu’il faisait du carnet étaient si astucieuses qu’il démontrait son intelligence en chaque occasion qui lui était donnée de ce faire. Là, si ce n’est la connerie furieuse d’un petit connard présomptueux, je peine à apercevoir ne serait-ce qu’une once d’ingéniosité dans les parages.
La crétine amoureuse du protagoniste est prête à être utilisée par ce dernier… avec un parfait ersatz de Misa Misa, voilà qu’on tient le Tiercé dans l’ordre. Tsuzuko Yabuno n’a même pas cherché à faire semblant, il a littéralement copié/collé Death Note et mal recopié la formule. J’ignore tout des choses de la loi quant aux droits d’auteur au Japon, mais à supposer que le plagiat revêt chez eux le même sens qu’en nos contrées, y’avait moyen d’instruire un dossier jusqu’au jackpot. Même Hiro Mashima, avec ses gros sabots, est plus subtil dans ses libres emprunts. Je suis estomaqué de voir ce que l’auteur et sa maison d’édition se seront permis trois ans après le lancement de Death Note.
Les jeux d’esprit qu’on nous présente n’en sont pas. On ne trouve rien que des effets dramatiques au milieu d’un babillage stérile et incessant avec, au détour, des manigances guignolesques. Me voilà en train de renouer avec les grandes heures d’Usogui où on mime l’astuce à défaut de pouvoir l’incarner où que ce soit dans le récit.
Passé le deuxième chapitre, vous n’apprendrez plus rien de l’hypnose. Rien sinon que la discipline fonctionne avec l’acuité saisissante d’une baguette magique qui permet d’exaucer tous les vœux de son détenteur. Le Death Note paraît alors un ressort autrement moins surnaturel que l’usage qui est ici fait de l’hypnose.
Quand on pense que ça aurait pu être quelque chose. Togashi s’y était penché un court instant le temps d’une histoire de Level E, le résultat s’était avéré autrement plus saisissant. Mais quel désastre ici, oh mes aïeux.
Toutefois, il serait malhonnête de borner Lost Brain à son seul rôle de plagiat de Death Note. Car c’est aussi un plagiat de Code Geass. Le protagoniste, en quête de domination, utilise là aussi un pouvoir de manipulation absolu, souvent à usage unique en ce sens où ses cobayes ne font que rarement long feu.
L’auteur a surfé sur toutes les tendances de l’époque en matière de Mind Games et aura bricolé une copie mal branlée en s’imaginant sans doute s’être démarqué. Le procédé n’est alors pas seulement honteux, mais grossier au point d’en devenir risible. Je n’ai pas vu de plagiats aussi ostensibles depuis les écrits d’Alain Minc et Jacques Attali.
Pour compléter le tableau, Sanoyama – qui passe de fille réservée à bombe sexuelle en enlevant ses lunettes – ainsi que Shitara, joueront respectivement le rôle de la journaliste et le procureur dont Kira se sera fait des alliés. On n’accordera nulle part la moindre place à une quelconque forme d’originalité pour s’éloigner de Death Note, on y restera embourbé jusqu’au bout.
Cette blague de manga aura tout de même duré trois tomes avant qu’on lui abatte le couperet sur l’échine. Ça finit de manière expéditive, avec un Hiyama qui, apparemment, survit grâce au pouvoir de l’hypnose – le TGCM, encore et toujours – et se fond dans la foule. Où va-t-il ? Que compte-t-il faire ? On s’en fout. Jamais personne ne réclamera jamais de suite pour un pareil désastre.
Du plagiat, des clichés pâteux, une absence d’intrigue au milieu de laquelle les protagonistes s’agitent comme des poulets décapités, Lost Brain – le bien-nommé – ça trouve effectivement le moyen d’être tout ça à la fois. N’attendez pas de cette œuvre un quelconque contenu susceptible de vous faire un peu remuer les méninges, car de Death Note, l’œuvre n’en aura jamais pompé que la surface. Et pourtant, avec un bon travail de recherche et ce qu’il faut de suite dans les idées, une intrigue reposant sur la manipulation par l’hypnose, y’avait moyen. Vachement, même.
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le 3 nov. 2024
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