Il s'agit d'une fiche de lecture orienté sur l'étude du conflit des générations désolé mais il semble impossible d'inclure des images dans les critiques. Je vous renvoie notamment à la première case du "Maitre de Térango". Publié dans Tintin, et moins audacieux que Yoko Tsuno qui surgit un peu plus tard dans Spirou, Luc Orient témoigne d'une époque où l'univers SF permettait de mettre en scène à travers des univers fantastique des tensions secouant la jeune générations des Baby boomers.
Titre : Les dragons de feu / Les soleils de glace / Le maitre de Térango
Série : Luc Orient
Auteur : Greg et Paape
1ère publication : « Tintin » 17 janvier 1967 – 23 mai 1967
Publication album : Le Lombard
Source :
H Filippini Dictionnaire de la BD pp
Ouvrage d'étude utilisé : Intégrale Luc Orient tome 1 regroupant les albums :
– Les dragons de feu
– Les soleils de glace
– Le maitre de terango
– La planète de l'angoisse
Sans modifications, la couverture du recueil reprend celle du premier album et s'agrémente d'un petit dossier documentaire.
La numérotation des pages correspond à celle des planches.
Éléments de critique externe :
La publication des aventures semble s'être effectuer par par tranches de 2 pages dans le journal « Tintin » dont Greg est à l'époque le rédacteur en chef (1966-75). La publicité pour les albums édité par « Le Lombard » paraît dans Pilote au début des années 70.
La création de la série semble correspondre à la nécessité de combler un manque éditorial dans le domaine de la science fiction , à la même époque « Pilote » diffuse « Valérian », tandis que « Spirou » diffusera « Yoko Tsuno » en 1970.
La création de la série semble aussi correspondre à la volonté de modernisation du contenu éditorial de Tintin à une époque où la production des séries emblématiques du journal est fortement ralentie (espacement de plus en plus long des épisodes de « Tintin » et « Blake et Mortimer »). Stimulé par la concurrence de Pilote qui semble durant les années 60 constituer une référence Greg entend modifier le ton général de la revue comme semble en témoigner son apostrophe à l'éditeur Raymond Leblanc en 1965.
« Laissez-moi mettre un peu de violence et de sexe dans ce journal. Les jeunes sont comme ils sont. Et nous ne sommes plus en 1946... »
Éléments d'analyse :
Extraterrestres et Quête du sacré :
Les premiers épisodes de la tétralogie opère comme une progression par étape vers un absolu. Chaque étape correspond à une étape initiatique.
La structure dramatique de la série obéie à un schéma classique avec la mise en place d'un trio héroïque de type paternaliste composé :
– D'un héros éponyme, Luc Orient
– Du savant Hugo Kala
– De l'assistante Lora
Ce trio affiche une structure de type paternaliste :
Le professeur affiche d'emblée les attribut d'une figure paternelle :
– Il détient grâce à son statut de scientifique un savoir omniscient qui lui confère pourvoir quasi absolu qui relève du droit de vie et de mort.
– Il est seul capable de réveiller les téranguiens plongé en léthargie, état qui s'assimile à la mort .
« Les soleil de glace » P18 3/3 :
Hugo Kala : « Pourquoi, ''était'' ?... Je suis a peu près certain de pouvoir ranimer ces astronautes. »
– Il invente des armes nouvelle donnant la mort ce qui impressionne beaucoup le héros éponyme qui se trouve vis à vis de lui en position de fils.
« Les soleils de glaces » P 20 4/1 :
Luc Orient : « Kala, le monde a de la chance que vous ayez mis votre science au service du bien !... vos réalisations sont parfois terrifiantes !... »
Fils qu'il s'empresse d'éloigner soucieux qu'il est de préserver le secret de son pouvoir.
« Les soleils de glaces » P 21 2/4 & 3/1 :
Luc Orient : « Vous... vous êtes sûr que tout ira bien ?...
Hugo Kala : Certain ! A condition qu'un tas de jeunes gens trop anxieux ne me dérangent pas !... Allez donc m'attendre dehors, tous … »
Les autres membres du groupe font là figure de non initiés qui doivent se retirer pendant que le grand prêtre opère après l'avoir assisté dans un rituel qui rappelle à la fois celui du prêtre et du chirurgien.
Le rapport de domination paternel s'exprime également dans la manière dont il s'adresse à ses assistants « Mon petit gars » (P 13 2/1) pour Luc, « Ma chère enfant » (P 22 3/1) pour Lora.
Graphiquement il arbore une barbiche rousse insigne de virilité et une mèche de cheveux blanc marque de sagesse. Il fume la pipe et le cigare contrairement à Luc qui fume des cigarettes.
La ''résurrection'' qu'il opère sur Lora se conclut par une sortie du vaisseau spatial qui l'assimile à un être divin (« Les soleils de glaces » P 22 1/ 2).
Omnipotence du père qui rend périlleuse l'existence même du héros/fils qui se trouve durant la suite de l'aventure ravalé au second rang qui impuissant à entrer en rivalité avec un père surpuissant cherche des substitue qui lui permettront d'exister aux yeux de celui ci.
Il se précipite au devant du danger en affrontant des fauves (ligre géant, panthère) qui sont autant de substituts vis à vis desquels il peut exercer sa frustration. Il reproduit sur les indigènes le comportement de Kala à son égard en les infantilisant et en leur attribuant des sobriquets ridicules « jeunes héros » (Les dragons de feu P 38 3/1) « mon gros » (Les soleils de glace P 35 2/2). Entreprise qui tourne cours l'indigène dont il prend la défense en déniant à un autre d'user de la condescendance dont il vient de faire preuve.
« Les soleils de glaces » P 35 3/2 :
Luc Orient : « Ah, Rowney ne m'échauffez pas les oreilles ! D'après ce que je comprends, c'est le ''singe'' hirsute, qui vous a tiré de là !... Vous n'êtes guère en position d'insulter les gens, je vous préviens!... »
Tentative inutile le sauvage inférieur révèle immédiatement sa compétence à la surprise de tous.
« Les soleils de glaces » P 35 4/2, 3 :
Hugo Kala : « […] si seulement nous savions comment mettre la main sur Argos...
Indigène : Vous le pouvez ! Mon frère est sur sa piste, et je connais les repères qu'il laissera... »
« Le maitre de térango »
Luc Orient et Lora sont de par la puissance de Kala maintenue dans une situation préoedipiennne comme en témoigne la première image de l'aventure « Le maître de terango »
La scène se déroule chez le professeur Kala, il domine la scène debout près de la cheminé où brule un feu qui depuis l'aventure précédente symbolise son pouvoir, il est vêtu d'une veste rouge qui évoque également son pouvoir qui touche aux mystères de la vie, le rouge évoquant le sang.
Luc et Lora son sagement assis sur des fauteuils séparé de couleur rouge vif qui symbolise la tension sexuelle qui existe entre eux et que le père réprime par sa présence. L'égal lien le reliant aux deux protagonistes suggère l'expression de la prohibition d'un inceste possible.
Toba le guide hindou de l'aventure précédente est ravalé au rang inférieur de domestique (il apporte les boissons et ne participe pas à la conversation que les enfants entretiennent avec le père).
La tension est telle que très vite le héros choisit de fuir sous prétexte d'achat de cigarette.
Étant moins en concurrence avec le père que Luc, Lora supporte beaucoup mieux la situation, sa tenue (minijupe, bustier) témoigne d'une féminité assumée. elle fume à l'aide d'un long fume cigarette symbole d'une certaine maturité sexuelle.
A l'opposé les hommes se trouvent à cours de tabac prétexte que saisit Luc pour sortir en acheter révélant ainsi son secret désir de supplanter le père en s'emparant du symbole de sa virilité.
L'expédition sur la planète de Térango fonctionne comme un apprentissage de l'altérité.
Les figures paternelle sont dédoublé entre le docteur Kala et Thar-ojec de Térango sous leur bienveillant contrôle une double idylle se noue entre Terriens et Téranguiens (P43 1/1)
– Galax Ahj / Lora
– Luc Orient / Grandya
L'idylle débuté dans « Le maitre de térango » se poursuit dans l'aventure suivante « La planète de l'angoisse » qui constitue une véritable remise en question des standards hiérarchique précédemment établi.
Les figures parentales Kala et Thar-ojec sont absentes.
Les deux filles conteste ouvertement le rôle traditionnelle qui leur était dévolu et s'imposent dans l'expédition.
« La planète de l'angoisse » P 5 1/1 :
Lora : « Nous... Nous en avions assez d'être reléguées au rôle de ''soeur anne qui ne voit rien venir... nous voulions vous prouver que nous pouvions vous être utiles... »
La suite de l'aventure se poursuit par la découverte du peuple des marais les hommes dragon.
Un remake ?
On perçoit dans la série l'influence de l'univers d'E.P Jacobs que les auteurs on eu l'occasion de fréquenter par le biais de la revue « Tintin ».
Plus largement le cycle des premières aventure de « Luc Orient » reactive le thème des voyages extraordinaires qui eurent une grande vogue dans les années 40 et 50, inspiré notament par le « Flash Gordon » d'Alex Raymond qu'E.P. Jacobs poursuira avant de le remplacer par son « Rayon U ».
On retrouve durant les années 40 le voyage extraordinaire à travers les séries :
– « Vers des mondes inconnus » dans « Le Téméraire »
– « Guerre à la terre » dans « Coq hardi »
– « Les pionniers de l'espérance » « Vaillant »
Phénomène de reprise / réinterprétation qui ne doit pas surprendre de la part de Greg qui semble affectionner ce genre d'exercice comme en témoigne sa tentative de ''résurrection'' de la sirène Arabelle de Jean Ache en 1972 .
On remarque la reprise d'éléments dramatique :
– L'affrontement de Luc Orient avec le ligre géant (« les dragons de feu ») rappelle celui de Lord Calder avec le tigre géant (« Le Rayon U »).
– Le dragon qu'affronte Luc Orient dans les marais (« La planète de l'angoisse ») ressemble à celui qui permet au capitaine Dagon de s'enfuir.
– La rencontre avec les hommes dragon des marais (« La planète de l'angoisse ») évoque le peuple singe de la cité lacustre (« Le Rayon U »), même si la moral difère on remarque que le solution passe par un renversement du pouvoir monarchique. Avec un résultat inverse.
– Le renversement monarchique de la cité lacustre du « Rayon U » est du à la jalousie, aboutit à la destruction de la cité et replonge le peuple singe dans la sauvagerie animal.
– Le renversement monarchique est le résultat d'une révolution et débouche sur le progrès, l'ouverture à l'autre et la démocratie.
Une autre influence perceptible est celle de l'oeuvre sulfureuse de Jean Claude Forrest « Barbarella » bien qu'il soit impossible de l'évoquer directement dans une oeuvre pour la jeunesse.
– Le personnage de Lora diffuse une sensualité potentielement sulfureuse à l'image du fume cigarette qu'elle arbore au début du « Maitre de Térango », elle est le personnage qui subit la plus grande évolution, de jeune fille perçu comme une petite chose fragile elle s'affirme et devient pleinement femme et fait la pige aux mâles.
– Le sauvetage de Luc Orient par l'homme volant Tobok à la fin de « La planète de l'angoisse » ressemble à la fin de « Barbarella » où l'héroïne s'envole dans les bras de l'ange Pygar.