Lucarne
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Lucarne

BD (divers) de Joe Kessler (2019)

Voilà bien un ouvrage qui m’interroge et me pose une sorte de dilemme. A., mon frère de sang comme de cœur, avec qui nous avons des goûts généralement assez similaires en matière de bande dessinée, était le premier à m’avoir parlé, début janvier — et de façon dithyrambique — de ce petit livre, signé d’un auteur inconnu et qui figurait dans la sélection pour le palmarès 2020 du Festival d’Angoulême. Quelques jours plus tard, « Lucarne » recevait du jury angoumoisin le Prix révélation…


Désormais, il était évident que je ne pouvais plus faire l’impasse, même si cet OVNI, qui en premier lieu m’avait révulsé par sa couverture, ne m’avait pas davantage convaincu lorsque je l’avais feuilleté sur le stand de l’Association. Pourtant, ma curiosité ayant été titillée, il me fallait sortir de ma zone de confort et découvrir ce qui pouvait bien se tramer derrière cette « Lucarne ».


Bien décidé à aborder l’ouvrage avec un œil vierge, je respirai trois grandes bouffées d’air et ravalai mes grimaces aprioriques. Après avoir contemplé pendant une bonne minute la couverture, je commençai à tourner les pages avec l’état d’esprit d’un nouveau-né découvrant le monde qui l’entoure. Ayant pu faire abstraction du style, proche de celui d’un enfant de trois ans — d’où l’intérêt sans doute de se mettre dans la peau d’un nouveau-né — et des aplats globalement limités à trois couleurs (vert, jaune, rouge) affreusement criardes, j’espérais pouvoir trouver une compensation dans une narration un tant soit peu construite. Mes espoirs furent bien vite déçus, et c’est dans un état d’hébétement total que je terminai cette lecture, qui heureusement pour mes mécanismes de concentration poussés au taquet, ne dura pas plus de quinze minutes. Au-delà je l’avoue, j’eus craint de me cramer les yeux. Dès lors, vous l’aurez compris, mon avis ne sera guère favorable. Parce que je ne suis jamais rentré dedans, et que plus j’avançais, plus la fameuse lucarne se réduisait aux dimensions d’un œil-de-bœuf. A cause sans doute d’une part de fainéantise que j’assume pleinement, je serais bien incapable de résumer ce récit ou d’en parler. Pas plus que je ne pourrai faire semblant de l’avoir compris ou de l’avoir apprécié autant que l’Association et le jury d’Angoulême.


En un mot comme en cent, j’avoue humblement être resté totalement hermétique face au petit bouquin, même si j’ai bien conscience qu’il fallait l’appréhender comme une œuvre poétique, atypique, hors normes, révolutionnaire, néo-conceptuelle, nihiliste, néo-dadaïste, déconstruite, post-psychédélique et j’en passe, bref, tous les qualificatifs qu’utiliseront vraisemblablement ceux qui ont aimé… Mais il me semble que l’étiquette « expérimental » permet un peu trop facilement de faire passer des délires mystico-maniaques pour du talent…


Et pourtant, j’ai beau trouver l’objet moche et sans intérêt, j’ai assez peu envie de le vouer aux gémonies, par frustration ou par dépit d’être bêtement resté au bord du chemin. Peut-être aurais-je dû consommer des psychotropes ou autres substances débridantes (faut dire que j'fume pu d'shit)… Le résumé de l’éditeur suggère que plusieurs lectures sont nécessaires. Un argument peut-être utile, aucune notice explicative n’étant fournie. Dans un style assez voisin, on préférera Brecht Evens, qui pour sa part parvient à mettre un peu d’ordre et de beauté dans son chaos intérieur.

LaurentProudhon
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le 8 avr. 2020

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