Morgan a un avis tranché sur à peu près tous les sujets de société. Et il ne se prive pas de faire connaître son point de vue à tous ceux qu’il croise, que ce soit au supermarché, au conseil de classe, à des réceptions ou tout simplement en rue. En règle générale, Morgan trouve que tout était mieux avant. Pour lui, les parents d’aujourd’hui éduquent mal leurs enfants, l’enseignement est devenu trop peu exigeant, les couples modernes se séparent trop vite et sans raison, le mariage homosexuel est grotesque et les jeunes qui se baladent avec des écouteurs sur les oreilles sont des gogols. « On me traite de réac mais je ne le suis pas. Je suis lucide, c’est tout », souligne-t-il fièrement. « Est-ce être réactionnaire de voir à quel point le monde court à sa perte? N’est-ce pas normal d’être atterré par la bêtise crasse de notre époque? Une époque où les enfants commandent, où l’idiotie est cool, où le savoir est moqué, où on se demande si c’est pas machiste de tenir la porte aux dames? Bon, je sais, parfois je m’énerve un peu trop, mais c’est plus fort que moi. Attaqué par la connerie, je réagis, c’est tout. » Grand adepte de la mauvaise foi, Morgan est persuadé que lui seul détient la vérité et que tous ceux qui l’entourent sont complètement à côté de la plaque. En particulier les bobos, bien sûr. D’ailleurs, quand l’un de ses lecteurs accuse Morgan d’être lui-même un bobo, il s’en inquiète immédiatement auprès de sa femme. « T’inquiète pas, mon amour, t’es un vrai réac », le rassure-t-elle. Ouf, il a eu peur!
Publié d’abord sous forme de blog du journal « Le Monde », « Ma vie de réac » est une succession de petites saynètes du quotidien, dans lesquelles Morgan Navarro se met en scène en tant qu’intellectuel réactionnaire plus ou moins insupportable. L’auteur ressemble-t-il vraiment à ça? Difficile de savoir quelle est la part de vrai dans son personnage. Ce qui est certain, par contre, c’est que Morgan Navarro utilise habilement son avatar pour se moquer des petits travers de notre société contemporaine. Son terrain d’action préféré, c’est la société française, et même surtout le microcosme parisien. L’observation de ses semblables est pour lui une inépuisable source d’inspiration pour des réflexions acerbes. C’est bien simple: tout l’exaspère! Et c’est bien ça qui est drôle, même s’il est clair que ce livre ne fera pas rire tout le monde. L’addiction aux nouvelles technologies, l’éducation des enfants, le mariage pour tous, l’intégration des musulmans en France: rien n’échappe à l’humour grinçant de Morgan Navarro. Que penser de cet album? Est-on soi-même un réac si son contenu corrosif nous fait rire? Les séquences souvent piquantes de Morgan Navarro ont en tout cas le mérite de nous titiller. Car même si son personnage de réac est profondément énervant, il parvient également à nous faire réfléchir. Détail amusant: la BD « Ma vie de réac » se conclut d’ailleurs par des extraits de commentaires publiés sur le blog de l’auteur, avec des réactions contrastées qui valent leur pesant de cacahuètes. Hilarant!
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