A sa sortie, après lecture, je me rappelle parfaitement m'être dit que Tome et Janry signaient peut-être bien leur arrêt de mort avec cet album...ambivalence d'un sentiment jubilatoire déclenché par cette fabuleuse BD, mêlé à une peur de voir disparaître un bout d'enfance...Cet album, qui m'avait subjugué, hypnotisé de bout en bout, je le sentais très mal pour la fanbase.
Ca n'a pas loupé. Ce fut mon dernier Spirou, jusqu'au récent hors-série d'Emile Bravo, brillantissime. Mais la série principale s'est arrêtée ici pour moi, incapable de faire le deuil de ces deux auteurs. Pas que je sois réac, juste l'envie qui m'a quittée (apparemment je n'ai pas loupé grand chose...) Tome et Janry sont les auteurs qui, à mon avis, ont traité Spirou avec le plus de tendresse, de respect et d'audace à la fois. Je ne parle pas de Franquin bien sûr, mais si j'ai découvert le groom grâce à ses albums, c'est véritablement ceux de la paire T&J que j'ai lus, relus, jusqu'à plus soif. Je ne suis pas exactement "de formation classique" donc, ce qui ne manquera pas de justifier mon amour hérétique de cet album aux yeux des traditionalistes pourfendeurs.
Quoi qu'il en soit, voir que "Machine qui Rêve" (ce titre, bon sang!) se choppe ici, près de 15 ans plus tard, une telle moyenne n'étonne finalement qu'à moitié.
Car celui qui s'établissait comme un nouveau souffle pour la série en 98 apparaît aujourd'hui aux yeux de beaucoup comme une sorte de "one-shot", précurseur quelque part de ce que seront les hors-série modernes, une bouffée d'air frais, ce qui, je crois, est très favorable à sa renommée. Pas sûr de sa popularité si la série avait bel et bien suivie cette orientation sur le long terme... Toujours est-il que ce qu'a accomplie la paire d'auteurs sur cet album me coupe encore le sifflet. Rompre aussi brillamment avec les codes établis (par leurs propres albums en partie!) et le poids historique du personnage, sans pour autant le dénaturer en profondeur, relève à mon sens de l'exploit, ou du talent, c'est selon. La cohésion du duo est d'ailleurs parfaite : ce que Tome a chamboulé dans sa plume, Janry l'a répercuté dans son pinceau, avec exactitude.
Cet arrêt brutal pour le duo des années 80/90, m'apparaît finalement plus comme un bien aujourd'hui. Ça ne contribue qu'à rendre ce dernier récit plus emblématique. Puis filer en laissant comme testament un dernier album aussi burné, c'est quand même hyper classieux.