Le dernier album de Spirou et Fantasio par Tome et Janry amorce un tournant à 180 degrés par rapport au reste de la série que ce soit au niveau du sénario ou du dessin : plus sombre, plus adulte, plus sérieux dans ses thèmes. Pas étonnant que les aficionados du groom le plus célèbre de la BD franco-belge aient été un brin déstabilisés par la proposition audacieuse du duo aux manettes de la série depuis la sortie de Virus en 1984.
Pourtant, Machine qui rêve, justement à cause de ce grand écart dans son ton comme dans son graphisme s'avère un des albums les plus intéressants de la période "Tome et Janry" avec le dyptique "La Frousse aux trousses" et "La Vallée des bannis". C'est un scénario touchant, qui dévoile l'humanité de Spirou, mais aussi une histoire baignée en permanence dans une certaine paranoïa qui capte l'esprit de l'époque et les doutes grandissants d'une partie de la population vis à vis des autorités et des entreprises.
L'album est noir, voire mélancholique par moments et l'histoire est une plongée dans un univers dystopiques aux antipodes de ce à quoi la série nous avait habitués.
Au niveau graphique, on est plus proche d'un Soda que des albums précédents également.
C'est sans doute une des raison de son moindre succès tout relatif (le vente étaient certes un peu moins bonnes que les tomes précédents, mais étaient loin de chuter réellement), comme de sa reception auprès d'une certaine frange du public habituel de la série.
Néanmoins, on va décider chez Dupuis que le duo va cette fois-ci trop loin, et la maison d'édition annulera le contrat qui lie nos deux compères aux aventures de Spirou, alors que ceux-ci préparaient le prochain tome "Spirou à Cuba" qui devait voir la réaparition dans la série de Zorglub, prétextant une chute dans les ventes qui, si elle existe bel et bien, n'était effectivement qu'assez minime.
Tome et Janry pourront donc désormais se consacrer exclusivement aux aventures du jeune Spirou alors que la série se verra confiée après un hiatus de six ans à un nouveau duo: Morvan et Munuera.
C'est donc sur un tome un peu à part, très réussi, mais pourtant si éloigné de la série classique qu'il peut savérer déstabilisant et qui cherchait à entrainer Spirou et Fantasio sous d'autres cieux narratifs que s'achève l'aventure de Tome et Janry aux manettes de la série. Ce fut une aventure qui ne manqua pas de panache, au point que certains préfèrent la période de Tome et Janry à la période Franquin, ce qui est en soi un sacré hommage au talent de nos deux amis.
Même si je ne suis pas de cet avis et que pour moi, les albums de Franquin restent les meilleurs da la série, le fait est que si on doit citer d'autres auteurs ayant présidés à la destinée de nos deux héros, ce sera bien, invariablement, les noms de Tome et Janry auxquels on pensera le plus vite (sans manque de respect à Fournier qui a vraiment fait ce qu'il pouvait).
Ainsi s'achève donc mes chroniques des Aventures de Spirou et Fantasio.
N'ayant absolument aucun amour pour ce qui s'est fait par la suite, je ne compte les traiter que par un silence, il faut l'avouer, un peu gêné.