Une excellente surprise que cette BD de l’auteure allemande Birgit Weyhe. En dépeignant un pan de l’Histoire qui pourrait nous sembler anecdotique (l’envoi de travailleurs du Mozambique en RDA), elle nous propose une très belle histoire humaine et une approche percutante de la condition de migrant.
En se fondant sur plusieurs témoignages authentiques, elle a reconstitué trois personnages fictifs qui condensent toutes ces histoires et ces souffrances qu’elle a recueillies. Les trois destins contés offrent autant de points de vue sur cette aventure humaine qu’a constitué l’envoi de travailleurs mozambicains dans la république socialiste frère de RDA.
Ces trois avatars nous parlent des préjugés, du racisme, du mensonge d’Etat, des ravages de la guerre civile... mais aussi de l’amour, de l’amitié et de l’humanisme qui pointe son nez ici ou et là, et qui permettent d’endurer toutes les épreuves.
Avec la chute du mur et la possibilité du retour au Mozambique, ces êtres déracinés se retrouvent face à leur destin. Rentrer au bercail est parfois difficile quand on est considéré comme un étranger dans son propre pays. Riches de deux cultures, que tout -ou presque- oppose, ils errent. Plus vraiment Mozambicains, jamais véritablement Allemands, leurs compatriotes leurs rappellent cruellement leur condition d’éternel émigré. Chacun d’entre eux est une sorte d’allegorie de l’homme moderne, du migrants, du déraciné. Déchiré entre deux monde, mais riche de ses rencontres et de ses expériences.
Leurs histoires sont contées avec franchise et fluidité, quoique l’enchainement des trois récits casse un peu l’effet de surprise. Enfin, on ne saurait terminer une critique de BD sans un mot sur le dessin, ici parfaitement adapté et percutant. Alternant les styles en fonction des situations et des émotions, Birgit Weyhe jongle entre l’épure, les jeux de silhouette, un style plus torturés à grands coups de pinceaux et de somptueuses planches d’inspiration africaine. Le monochrome couleur marron glacé est splendide, offrant une veritable cohérence à l’ensemble de l’oeuvre.