Avec Mafalda (1964), Quino offre une œuvre intemporelle où l’humour et la philosophie s’entrelacent dans les réflexions d’une fillette pas comme les autres. Mafalda, petite écolière à la fois adorable et impertinente, ne se contente pas de jouer à la marelle : elle questionne la politique mondiale, la condition humaine, et même les légumes. Le tout avec une légèreté acérée qui nous fait autant rire que réfléchir.
Mafalda est une héroïne hors du commun. Derrière ses boucles et ses genoux écorchés, elle cache une intelligence et une ironie qui mettent à mal les certitudes des adultes. Avec ses répliques bien senties et ses grandes réflexions sur un monde en crise (et en constante crise, visiblement), elle devient une porte-parole universelle pour les petits et les grands en quête de sens.
Son entourage est un véritable microcosme de la société. De Manolito, l’épicier en herbe obsédé par le profit, à Susanita, l’incarnation des rêves de mariage et de maternité des années 60, chaque personnage apporte une perspective hilarante sur le monde. Felipe, l’ami rêveur, et Guille, le petit frère malicieux, enrichissent encore plus ce portrait collectif où chacun peut se reconnaître, ou reconnaître quelqu’un qu’il connaît.
Les strips de Quino, souvent en trois ou quatre cases, sont d’une efficacité redoutable. Avec un dessin simple mais expressif, il capture des situations du quotidien qui basculent dans l’absurde ou le tragique avec une finesse remarquable. La cuisine familiale devient un champ de bataille philosophique, la télévision une fenêtre sur un monde désespérant, et même une assiette de soupe peut devenir une métaphore politique.
L’humour de Mafalda est universel, mais profondément ancré dans son époque. Les réflexions sur la guerre froide, les inégalités sociales, ou l’environnement résonnent encore aujourd’hui, même si certains clins d’œil géopolitiques peuvent échapper à un public moderne. Quino jongle entre satire et poésie, créant une œuvre qui fait autant sourire qu’elle donne à réfléchir.
Cependant, cette richesse peut aussi être un léger frein. L’humour intellectuel et les thématiques parfois sombres pourraient ne pas convenir à ceux qui cherchent une lecture purement légère. Et bien que Mafalda brille par sa pertinence, son incessante quête de réponses peut donner l’impression que le monde est un problème sans solution (spoiler : il l’est probablement).
En résumé, Mafalda est un bijou intemporel qui prouve que les grandes questions de la vie peuvent être posées avec un sourire espiègle et une dose de sarcasme. Quino mêle habilement comédie et réflexion pour offrir une œuvre à la fois accessible et profonde, où chaque strip est une fenêtre sur les absurdités du monde. Une lecture à savourer lentement, mais pas trop, sinon la soupe refroidit.