Les grands architectes de la BD, c'est probablement le duo Schuiten/Peeters qui dans leurs vagabondages au travers de différentes cités obscures ont exploré les méandres de décors tour à tour rectilignes, cassés, construits ou déconstruits. Il faudra maintenant que je leur accole Andreas pour son aventure Capricorne/Rork.


L’œuvre d'Andreas semble à la fois parfaitement construite et cohérente mais aussi pleine d'embrouillaminis. A quel point le lecteur est-il censé suivre une intrigue dont peut être seul son auteur possède les clefs ? Le fil de Capricorne et l'amour qu'on peut porter à la série se construit sur cette opposition.


D'abord une série d'évènements et de personnages sur lesquels sont gardés un flou volontaire. Combien d'éléments sans nom précis, ou complètement mystérieux ? Le concept, Le cube numérique, Les mentors... Combien de personnages sans nom ? L'homme aux mains tatouées, Les trois, Le passager... On comprend assez rapidement (et même si cela semble aller à l'encontre de la volonté d'Andreas) qu'on restera probablement dans le flou, même après avoir lu les derniers tomes censé boucler un scénario qui ressemble encore pourtant à un gruyère dans l'esprit du lecteur.


A quoi se raccrocher donc ? Ce qui permet de tenir, et même de devenir complètement fasciné par cet univers, c'est la croyance qu'Andreas porte en son monde, en ses personnages, à leur destinée (il est énormément question de destin justement). Comme Capricorne, Andreas est un messager, aventurier de la forme dessinée , il transmet à Astor, et il nous transmet à nous lecteurs, sa philosophie du dessin, sa philosophie de la construction d'un univers de science-fiction, création unique en son genre.


Et puis il y a la forme. A part une petite baisse de régime sur les derniers tomes qui se doivent de mener une propagation de l'intrigue efficace et plus classique, quel régal de découpage à chaque tome, à chaque planche. Quelle extase visuelle que de découvrir une double planche pleine d'un New-York reconstitué aux centaines de fenêtres lumineuses, quelle efficacité narrative dans cette voiture qui traverse simplement de grandes cases verticales aux décors changeants, quelle joie des albums aux contraintes spécifiques plus singulières les unes que les autres (Rêve en cage, Vu de près). Rien qu'au niveau formel, Capricorne est purement captivant et vaut le détour. On sait Andreas amateur de Miller, et on remercie Le Lombard d'avoir publié ces intégrales dans un format noir et blanc qui permet de pleinement profiter du magnifique travail d'encrage d'un graphisme franco belge mais à l'influence comics voire même parfois un peu manga. Une hybridation de style parfaite qui contribue elle aussi à rendre unique l’œuvre d'Andreas.


Voici donc une série d'album dans laquelle il vaudra sûrement le coup de se replonger pour essayer d'en décoder les clefs autant scénaristiques que graphiques. Mais le coup de massue de la première lecture est... impressionnant !

yhi
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le 24 avr. 2020

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yhi

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