Pierre-Henry Gomont avait marqué les sorties BD avec « Pereira prétend », un roman graphique qui avait ravi les critiques (mais que je n’ai pas lu). Il fallait confirmer l’essai et c’est « Malaterre » que publie l’auteur deux ans plus tard. La couverture, présentant un homme et ses enfants, intrigue. Partout, la jungle les entoure. Le tout est publié chez Dargaud pour plus de 180 pages de lecture.
Gabriel provient d’une lignée de colons. Il décide de racheter le domaine familial en Afrique, une maison gigantesque à côté de la forêt, forêt qui fait partie de l’exploitation. Son but est simple : remettre l’affaire sur les rails et retrouver la splendeur d’antan. Pour cela, il n’hésitera pas à y entraîner ses enfants.
C’est une histoire originale que nous propose Pierre-Henry Gomont ! Même si l’introduction nous en donne la fin (du moins une partie), l’ouvrage est plein de surprises. Plus que Gabriel, on suit le parcours de ses enfants expatriés et quasi-abandonnés. Les sentiments et réactions des uns et des autres sont complexes et difficilement déchiffrables. Et si le domaine est au centre des événements, on ne connaît son évolution que sporadiquement.
« Malaterre » se dévore. Il y a une tension permanente dans ce livre. Un suspense s’engage alors où les enjeux louvoient : que va devenir l’exploitation ? La famille ? Les enfants ? Gabriel se consume dans ses cigarettes et l’alcool, qui entrainera-t-il à sa suite ?
Ce livre tient fortement de son rapport entre image et texte. L’avantage d’être auteur complet c’est que l’alchimie du dessin et du scénario peut être très forte. Pierre-Henry Gomont choisi un trait très dynamique, dans le mouvement et la tension, parfaitement adapté. La narration très présente sait se mettre de côté dans les scènes clé. Il y a une personnalité qui se dégage de l’ouvrage.
L’auteur utilise le langage graphique de la bande-dessinée à plein. Ainsi, de nombreuses bulles de pensées sont dessinées. Cela pourrait paraître désuet, mais cela fonctionne. De même que la cigarette de Gabriel, toujours pleinement enflammée, paraît excessive au premier abord, elle fait pleinement partie de l’ouvrage (et de sa couverture !).
« Malaterre » est un bel ouvrage difficilement classable. Avec un thème très particulier et un côté désuet de part l’aspect colonial de l’histoire, le livre a une vraie personnalité, tant scénaristique que graphique. Un beau one-shot à découvrir, tant pour le trait que pour la tension qui transpire des pages.