Mars (Perfect Edition), tome 1 par Ladythat

[critique des 2 premiers volumes]

Publié pour la première fois en France entre février 2003 et juin 2005 au format de 15 volumes + un recueil d’histoires courtes, Mars revient dans une nouvelle édition qui s’inscrit dans la lignée des Perfect Edition proposés chez divers éditeurs : un format plus grand dont chaque volume compile deux volumes de la première édition. Pour l’occasion, un travail a été fait avec la traductrice pour revoir et mettre à jour sa traduction.


Fan de la première heure, c’est avec plaisir que je me suis replongée dans les pages de ces deux premiers volumes. Cette réédition m’a tout de suite séduite par son format et la qualité de ses couvertures plus épurées, plus élégantes. Je considère ce titre comme un petit chef d’œuvre du genre shojo manga car, si on y retrouve les clichés de la romance lycéenne, on s’aperçoit assez rapidement de la maîtrise narrative de sa mangaka qui a su apporté une certaine originalité à son récit au travers de personnages à la personnalité forte, nuancée par leurs vécus respectifs et le lien qui se tisse entre eux.


Rei est au premier abord un garçon très sociable qui semble détaché de tout, il flirte avec les filles avec la même intensité qu’il parcourt les circuits de courses sur sa moto. Très populaire auprès de ses camarades, il donne l’impression d’être une tête brûlée. De son côté, Kira est très sage, très timide, elle se fait discrète et évite les autres par crainte de se faire remarquer. Passionnée par le dessin, elle semble se complaire dans la solitude et combler les rapports humains dans les émotions que son art lui procure. Si leurs personnalités ne sont à priori pas compatibles, les deux adolescents vont se rapprocher peu à peu, attirés l’un par l’autre par la force que leur confère leur passion respective et la compréhension qu’ils ont l’un de l’autre.


Ainsi le tome 1 se concentre sur la présentation des personnages principaux et leur entourage proche. L’auteure appuie leurs différences pour renforcer l’impression d’incompatibilité entre eux et notre incompréhension, ainsi que celles de leurs camarades de classe, d’assister à un rapprochement qui, de plus en plus, apparaît comme inévitable. Une amitié s’installe entre les deux protagonistes et, en même temps que se jouent des drames, la force de leur attachement s’intensifie. Confrontés au suicide, aux difficultés familiales ou encore au harcèlement scolaire, Rei et Kira tracent leur chemin main dans la main. Ces sujets majeurs du récit viennent en nourrir la trame et permettent de faire progresser les héros dans le développement de leur personnalité propre mais également dans leur relation à l’autre.

Derrière son apparente insouciance, Rei dévoile peu à peu une personnalité violente et un caractère autodestructeur qui se retrouve dans sa passion pour la course à moto et sa conduite mordante. Bientôt pourtant, la présence de Kira, lui permet de se calmer et de reprendre contact avec la réalité. Car la jeune fille pose un regard dénué de jugement, un regard aiguisé par son sens artistique qui lui permet de voir au-delà des apparences. Rei vient lui apporter du courage et de la force, il lui offre aussi une certaine sécurité et montre aux autres qu’elle n’est pas si dénuée d’émotions ou d’intérêts qu’ils le pensaient. On trouve probablement ici l’origine de leur relation amoureuse, le soutien qu’ils s’apportent respectivement est porteur et leur permet de grandir.


Si la fin du volume amène les premiers éléments pour comprendre que toute cette violence trouve probablement ses racines dans la douleur de la perte et un sentiment d’abandon, il faut attendre le tome 2 pour découvrir la tragique histoire de la famille de Rei et la profondeur des blessures qu’il porte en lui comme autant de problèmes non résolus. En effet, alors que Rei participe aux 8 heures de Suzuka – une course d’endurance moto courue sur le circuit de Suzuka – Kira réalise un portrait de lui qui sera exposé dans une galerie. Ce tableau amène de nouveaux personnages tout droit sortis du passé de Rei. Ils viennent introduire l’histoire du jeune homme et de son frère jumeau, Sei, tout en interrogeant sa situation propre et notamment sa capacité à avancer, à grandir, alors qu’il semble avoir fui plutôt que d’avoir fait son deuil.


En même temps ils viennent confronter Kira à ses propres doutes quant à sa place auprès de celui qu’elle aime de plus en plus. Que lui trouve Rei ? Que/Qui voit-il en elle ? N’est-elle pas un substitue ? En tant que lecteur on ne peut que remarquer les similitudes entre Kira et Sei, et se positionner dans un questionnement similaire au sien. Pourtant, la sincérité de Rei et la confrontation direct mettent en avant les dissemblances entre ces deux personnes qui se trouvent essentiellement dans la capacité de Kira à affronter les problèmes de front et à ne pas les laisser la submerger. Elle accepte également Rei avec sa part d’ombre et sa part de lumière sans remettre en question sa passion qui pourtant le confronte au danger.


J’aurais encore beaucoup à dire sur ces deux premiers volumes. Si l’écriture de ses personnages et de son récit sont déjà de qualité, j’aime aussi énormément le style graphique, précis et pourtant épuré, de Fuyumi Soryo. Son trait est parfaitement maitrisé, qu’il s’agisse de ses personnages ou des différents lieux de l’action, les proportions sont respectées et s’approchent de la réalité. On pourra aussi saluer le travail éditorial sur le choix du papier, le style de la couverture avec ses inscriptions en reliefs, l’ajout d’un marque-page ou encore la préface de début de volume qui ne manque pas d’intérêt. Un seul bémol : l’absence de marge gène parfois la lecture, les bulles de dialogues étant ponctuellement mangées par la zone de reliure.

Ladythat
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le 9 janv. 2024

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