Depuis que je me suis mis vraiment aux comics Marvel il y a deux-trois ans, je rêvais de lire cette histoire. Les peintures fabuleuses d'Alex Ross sur un scénario retraçant le début de l'univers Marvel (des années 40 à un événement marquant de 73), une réputation de folie... Et une disponibilité VF bizarre, avec une version normale introuvable et une version... à 70 € ?
Enfin bref, maintenant, je l'ai lu grâce au mois découverte de Marvel Unlimited, en VO donc, mais sachez, pour les amateurs de VF, que Hachette republie l'histoire dans sa collection de fascicules "Marvel : la collection de référence" en Septembre prochain, le 25 plus exactement.
Et donc, ne tournons pas autour du pot, Marvels mérite sa réputation de récit culte. Kurt Busiek et Alex Ross signent là un des plus beaux hommages, si ce n'est le plus beau, aux débuts de l'univers Marvel, au Golden et Silver Age, à l'âge d'innocence des comics Marvel.
Le plus gros attrait du récit est bien entendu d'utiliser le point de vue de l'homme de la rue. C'est quelque chose que j'adore dans les comics, inscrire le délire des supers héros dans la réalité la plus classique et c'est très bien fait ici et magnifiquement illustré par les contre-plongées d'Alex Ross. Il y a les civils en bas, menant leurs vies, et en levant la tête on aperçoit les héros et vilains en costumes colorés, les aliens et tout un tas d’événements si incroyables qu'ils en paraissent irréels.
On suit la vie du photographe Phil Sheldon qui a vu apparaître les héros dans l'Amérique de la fin des années 30 et qui les a suivit durant toute sa carrière. On suit l'évolution de son ressenti vis à vis des héros, son admiration, sa méfiance parfois, ses réflexions et aussi l'évolution de la considération du public en général vis à vis des héros et le regard qu'ils portent sur les "marvels" et celui que Phil porte sur le ressenti du public.
C'est vraiment hyper intéressant, passionnant même, Kurt Busiek nous sort une tonne de belles réflexions et explique très bien les réactions du public. Pourquoi se méfient-ils des mutants alors qu'ils adulent les vengeurs et les 4F, pourquoi ils ne font finalement jamais confiance aux héros... On ressent l'évolution de la société américaine et c'est assez génial. En outre, Phil Sheldon, notre héros, est franchement hyper attachant, surtout qu'on suit en plus de ses réflexions, sa vie de famille, sa carrière, ses problèmes persos... Sa vie. Et c'est très beau de suivre une bonne partie de la vie de cet homme ordinaire qui est en même temps le seul qui semble avoir vraiment compris qui sont les héros...
Bon et bien entendu, il y a toutes les références ultra geeks qui sont jouissives, voir ce mec lambda interagir avec J.Jonah Jameson, Ben Urich, Peter Parker ou Gwen Stacy, personnages fictionnels qui deviennent soudainement réels grâce aux peintures de Ross (et Jameson a rarement été aussi classe !). Et y a pleins de héros en civils qui apparaissent dans le décors, de personnages secondaires qui sont mentionnés et pleins d'aventures célèbres de nos héros favoris qui croisent la route de la vie de Sheldon. C'est grisant de voir le ressenti de la population pendant la crise de Galactus, un très grand moment de comics.
Alex Ross était vraiment l'artiste qu'il fallait à cette série. Déjà, il donne une dimension réaliste, crédible à tout l'univers des comics Marvel du silver age, augmentant l'immersion dans la vie de l'homme de tous les jours qui vit dans un monde de merveilles. Ensuite, il sait donner de la grandeur, de la magnificence aux héros en costumes bariolés. Sous ses pinceaux, les super-héros ne sont jamais ridicules, ils sont justes beaux, magnifiques et semblent être des dieux descendus sur terre. Et quand il faut leur donner l'air menaçant, ils le sont. Jamais ils ne sont ridicules, c'est ça sa force.
En outre, ses compositions débordent d'amour pour le silver age, pour ces personnages et pour tous les personnages de Marvels en général, il y a une vraie tendresse nostalgique qui se croise avec la noblesse de ses peintures. C'est franchement sublime, sa narration est franchement maîtrisée. Ça me parait toujours bizarre, mais Alex Ross a beau utiliser un style plutôt très réaliste, ses BD sont toujours très agréables à lire. Peut-être est-ce parce qu'il manie aussi très bien le côté iconographique des images qu'il compose ?
Enfin bref, Marvels est un récit que tous les fans de Marvel devraient avoir lu. Je ne comprends pas pourquoi Panini n'a pas une version du récit disponible en permanence en librairie et pour pas trop cher, ça répondrait à un besoin essentiel du lectorat :