C'est dans les années 1980 qu'Art Spiegelman débute l'écriture de Maus, projet consistant à évoquer en bande dessinée la vie de son père, Vladeck, rescapé des camps de concentration et témoin de l'horreur mise en place par le troisième Reich.
L'auteur a bien conscience de la difficulté pour mettre tout cela en scène, et pour cela il use d'ingénieux stratagèmes et de bonnes idées. L'une des premières consiste à se mettre en scène lorsqu'il interroge son père sur ces horreurs, et donc d'alterner les époques, la Guerre puis la fin des années 1970 où il s'intéresse là à sa relation compliquée avec lui. Il choisit aussi d'utiliser des têtes d'animaux sur des corps d'humain, lui permettant de prendre une certaine distance, mais aussi d'utiliser des procédés de propagande nazie, bien que ce choix puisse aussi se retourner contre lui en étant vu comme une représentation caricaturale.
Ces choix sont assez légitime tant il parvient à retransmettre toute l'horreur vécue dans ces années-là, sachant toujours utiliser les mots et dessins justes. Dans les deux époques qu'il décrit, il raconte les événements de manière chronologique, nous permettant de vraiment vivre une descente aux enfers où, dans les pires moments, il n'y aura plus rien, aucun espoir, ni dignité mais que de la douleur, physique et psychologiques. Il est intéressant aussi de découvrir les liens entre l'auteur et son père, et les répercussions de la Guerre sur lui (à l'image de la façon dont il a gardé toutes les habitudes, comme la récupération et les économies), puis la relation qu'ils entretiennent.
Régulièrement, Art Spiegelman insère quelques réflexions dans son récit, et, plus on avance, plus la place du fils et de la transmission sont évoquées. Quand l'un semble vivre comme si la Guerre était tout proche, l'autre ne le supporte plus, et le poids du passé joue toujours un rôle primordial dans cette relation. Il s'interroge aussi sur la culpabilité, celle du père d'avoir survécu mais aussi la sienne d'être né après et d'y avoir échappé.
Enfin, l'auteur montre une certaine habileté à alterner les époques, à avoir du recul sur ce qu'il met en page, et enfin, à le faire avec efficacité, sachant trouver le bon rythme pour mieux faire ressentir la descente aux enfers vécue par le père. Les dessins sont assez sombres, le choix du noir et blanc est évidemment adéquat et participe à l'atmosphère sombre et angoissante de l'horreur de cette guerre, des camps, des fuites et des moments où l'on doute de la valeur de la vie face à de telles atrocités.
En signant Maus, Art Spiegelman retranscrit l'horreur vécue par son père durant la Seconde Guerre mondiale, alternant entre deux époques pour aussi mettre en avant ses réflexions sur la transmission, l'héritage ou encore le poids du passé.