Larcenet fini sa saga Blast, masterpiece acclamée un peu par tout le monde, œuvre magistrale graphiquement, et au propos d'une noirceur à vous faire douter de la moindre parcelle de lumière en l'humanité. Entre deux plateaux de Ruquier et une remise quelconque de prix, il faut bien penser à la suite. Manu a bien des idées, mais ça risquerait de faire fade comparé à son prédécesseur, alors il se retourne vers Les Rêveurs, pour qui il avait déjà fait quelques livres sur la vie, les gens, tout ça. Parce que c'est son thème Manu, les gens, la vie, tout ça. Alors quoi de mieux que prendre le contre-pied parfait de Blast et de faire de la grosse galéjade, et de simplifier la graphisme à son appareil le plus simple ? Des tâches de couleurs, des aplats, des vannes en typo informatique, Microcosme est planté.
En premier, le livre est beau, l'impression nickel, le format sympa. Belle reliure tissée, un livre vraiment bien. Puis l'intérieur du livre aussi, joli mosaïque noire et blanche.Le papier, parfaitement choisit, épais, mat. L'intérieur ? Bah y'a l'intro aussi, petite aquarelle rigolote sur la vie de famille de l'artiste, et de l'idée du concept que je laisse tout un chacun découvrir. Voilà, ça c'était pour le positif. Prenez-le, coulez-le dans un bloc de béton armé et jetez-le dans la Seine, vous ne le reverrez jamais.
Il m'est incompréhensible de comprendre comment Manu a pu tomber la-dedans. Tout le livre reprends des blagues grasses et douteuses sur quelques axes : cancer, dépression, la société cette pute et « t'aurais pas baisé ma femme ? », les trois premiers étant des thèmes cher à l'auteur. Sauf qu'ici, on a pas à faire à Manu le bédéiste, Manu le talentueux dessinateur, mais à tonton Manu à la fête de tatie Germaine. A l'instar de tous ces clochards du stand-up qui, parce qu'ils font rire leurs potes entre deux séances de kekabs frites, pense pouvoir monter des one-man-show, Larcenet écrit des vannes bien grasses et se dit que ça en fera bien rire certains. Ajoutant plutôt un exemple marquant de plus à la théorie du tonton gênant, celui qui sort des blagues de cul pas marrantes à table, pendant que tous finissent leur escalope de veau dans un silence lourd de sens.
En gros, c'est beauf et mal écrit, ça pourrait être drôle en soirée après un litron de bière bien fraiche, mais pas dans une bédé. C'est d'autant plus triste qu'avec Minimal, il avait réussit à allié gags basiques et graphisme minimaliste avec succès, sous des aspects plus expérimentaux, voir simplement intelligent. Là, on a simplement l'impression de voir Bebert et Gégé, libérés de leurs affreuses rombières, se marrer au PMU du coin sous une couverture de BD indie, bien salie par la graisse et le mauvais goût.
Mauvais goût, goût amer, celui d'une blague du doigt qui pue étalée sur 100 pages. Commencer par présenter le livre en tant qu'objet n'était pas gratuit tout à l'heure (quelques lignes plus haut, vous vous souvenez ?) , la finesse du livre contredit complètement le propos. Car non seulement c'est pas marrant, mais en plus on a sentiment énorme de gaspillage pour un bouquin d'une telle beauté, avec un propos digne d'un pilier de bar.
Si vous aimez l'humour crado au design épuré, achetez Minimal, et laissez le microcosme de monde de la bédé indé s'extasier sur ce livre du même nom, qui n'a d'intérêt que le titre et les trois premières pages.
Non, tonton Manu, rentre chez toi, tu as trop bu et tu nous gênes tous là.