Après treize opus et une quarantaine de fables horrifiques, Run et son DoggyBags cèdent la place à Mathieu Bablet pour un Midnight Tales tourné vers l'ésotérique avec un univers imposé de 


sorcellerie à l'échelle mondiale.



Même principe, le rédacteur en chef convie les talents au recueil pour nous offrir un petit chaudron de narrations bien senties agrémentées d'informations concrètes autour des phénomènes évoqués.


Mathieu Bablet ouvre le prom' bal des sorcières sous le crayon de Guillaume Singelin autour de quatre jeunes lycéennes liées par leur condition de gardiennes, sur le point de se séparer pour continuer leurs études chacune de leur côté quand un homme-phalène aux yeux rouges semble leur annoncer une catastrophe à venir. Le dessin de Guillaume Singelin reste un plaisir de bouilles d'un tendre réalisme cartoonesque et d'ambiances sombres très équilibrées, vivacité du récit dans l'élan de personnages bien écrits. 
The Last Dance,


envoûtant et déjà surprenant.



Sourya Sihachakr prend le relais pour Samsara, de nouveau scénarisée par Mathieu Bablet : sur les bords du Gange, des trios de Midnight Girls se voient parfois confier la mission de s'assurer que les morts déposés dans le fleuve sacré au cours de la journée rejoignent bien l'au-delà au crépuscule venu. Twist rondement mené et trait ultra séduisant de l'illustratrice, radieux sous


la poésie atmosphérique des équilibres de lumière et de couleurs.



Graphiquement irréprochable, l'épisode est un enchantement de dépaysement au sein du quel il est agréable de se laisser perdre à l'inexorable.


Pause au dessin pour une courte nouvelle inattendue d'Elsa Bordier, Avant la Tempête : au soir de son emménagement, Lucie rencontre sa voisine, à peine plus âgée, qui lui avoue l'avoir attendue ces derniers jours. Face à l'incompréhension de l'adolescente, sa nouvelle amie se propose de la former au mystique. Le récit est mené sans urgence et malgré son format court, la nouvelle semble 


d'une rare densité



dans l'évolution de cette jeune fille catapultée sans préavis dans un réel terrifiant. Quelques illustrations de Mathieu Bablet,


avant qu'il ne s'empare du contrôle intégral pour Nightmare from the Shore aux abords des falaises des Cornouailles, en compagnie de deux amies aux caractères diamétralement opposés. S'il s'agit encore d'initiation, ici l'issue est terriblement différente de celles proposées précédemment. Monstre en renfort au seuil d'un passage submergé qui ne se révèle qu'à l'horizon du crépuscule, harcèlement et défi, le jeu des limites qu'on cherche, à cet âge, à franchir se révèle des plus dangereux. Si l'on ne côtoie pas le choc visuel de certaines de ses œuvres, Mathieu Bablet impressionne toujours par son sens du découpage autant qu'à travers 


la magie méticuleuse de son trait et de ses ambiances.



Visuellement sublime.


Gax hérite des crayons pour la clôture du volume sur un format plus court que tout le monde mais qui se présente comme le premier épisode d'une aventure à suivre : Devil's Garden, où une jeune étudiante au sein d'une école privée de sorcellerie s'échappe en illusions ou en hallucinations, la frontière est affinée sous les ambiances justement hallucinées, superpositions d'aplats de couleurs, trait cassé et vif, court, manga style, une énergie qui contraste avec le trip proposé, mais qui a le mérite d'interpeller. 
Grosse réussite graphique, la baguette pose l'ambition haut dans le ciel sombre d'une épopée de sorcelleries autour du globe, à la rencontre de


promesses monstrueuses et glaçantes



qu'il faudra maintenant tenir. Si Mathieu Bablet assume ici l'intégralité des scenarii, on attend de voir la suite pour espérer, comme son chien de prédécesseur l'offrait, pléthore d'auteurs prendre la plume pour instiller de leurs propres univers au sein de cette sororité séduisante de gardiennes ancestrales d'une humanité toujours menacée.
Le plaisir de se laisser frémir, la récréation dans la concision, Midnight Tales conforte tout l'intérêt qu'il est indispensable de porter à l'effervescence du Label 619, et confirme tout le bien qu'on pensait du génial Mathieu Bablet, capable du plus dense aux limites philosophiques, du plus vif et du plus imprégnant, comme du plus court, de l'instant,



avec la même envie et le même talent.


Créée

le 2 sept. 2018

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