Mirai Nikki par Ninesisters
Mirai Nikki se présente comme un « survival game », concept relativement classique mais qui possède un important capital sympathie pour moi, et surtout un fort potentiel. Selon le talent du mangaka et la direction qu'il souhaite donner à son œuvre, il y a de quoi offrir aux lecteurs une histoire vraiment réussie et prenante, tel un Duds Hunt qui se serait développé sur plusieurs tomes et avec des personnalités véritablement marquantes, ou encore un Battle Royale moins trash que sa version manga.
Pour ce qui est du côté prenant, je reconnais que Mirai Nikki s'en sort très bien. Pour le reste, je reste dubitatif. Mais reprenons depuis le début.
Tout commence... par le dessin. La première chose qui saute aux yeux. Si je devais le décrire, je le trouverais assez proches du trait le plus récent de Yoshiyuki Sadamoto, avec des relents de Higurashi no Naku Koro Ni ; cela se ressent particulièrement dans certaines mimiques. Et dans certains comportements des protagonistes.
Le héros, il est assez difficile d'en parler. C'est un personnage mou, effacé, insignifiant,... Il serait trop facile de parler ici de caricature, tant ce type de caractère se retrouve fréquemment depuis plusieurs années. Mais au moins, cela signifie que nous allons nécessairement le voir évoluer, afin qu'il puisse arriver jusqu'au bout de l'histoire en un seul morceau.
Le début – l'accroche, devrais-je dire – remplit parfaitement son rôle en étant à la fois passionnant et intriguant : nous plongeons dans un monde qui est le notre, mais où le héros découvre l'existence d'un Dieu mystérieux aux grands pouvoirs. Le lecteur comprend vite que le but du jeu sera de faire s'affronter 12 personnages (ou peut-être plus ?) dans un jeu implacable et meurtrier. Comment voulez-vous ne pas apprécier ça ?
Mais ça, finalement, c'était avant que les adversaires apparaissent et que les duels commencent. Parce que bien vite, cela vire au grand n'importe quoi. Ma façon d'analyser les choses serait la suivante : l'auteur part sur des bases sérieuses, mais finalement fait ce que bon lui semble : peu lui importe que les personnages soient difformes et honteusement improbables, ou que les situations virent au délire. Ce qui compte, c'est moins la cohérence de son récit que sa perpétuelle progression et le rythme qui l'accompagne.
D'aucuns vous diront que c'est parfaitement voulu, je serais plutôt du genre à penser que le mangaka prend toutes les libertés qui l'arrangent sans se soucier du reste. C'est ainsi que nous avons un personnage qui fait sortir une moto de son rectum pour s'échapper, qu'un autre arrive à détecter le poison dans un aliment car il est légèrement plus lourd que quelques instants auparavant, et autres joyeusetés furieusement improbables ; et improbable même en considérant le côté « divin » des téléphones portables, puisque celui-ci ne s'applique pas directement aux personnages.
La vérité, c'est que ni les amoureux de ce manga ni ses détracteurs ne peuvent savoir de quoi il retourne, si le mangaka a effectivement tenu à jouer sur le WTF après avoir induit son lectorat en erreur avec une entame crédible, ou s'il bidouille les événements comme cela l'arrange pour le bien des points clés de son récit. Dans le doute, je dirais qu'il s'agit d'une base de ce manga, mais ce n'est pas pour autant que j'apprécie ce style, pas plus que les personnages aussi délirants qu'un gamin assassin ou qu'un super-héros hypnotiseur.
Mais ce que je reprocherais en particulier à ce manga – et là, je sens que je vais me faire détester de toutes les futurs générations de fans de ce personnage – c'est Yuno. Et là, je reviens sur le côté « Higurashi » cité plus haut. Cette fille appartient à une catégorie appelée yandere : c'est une psychopathe, elle est tellement amoureuse du héros qu'elle est prête à tout pour concrétiser cet amour, en particulier à tuer tous ceux qui veulent du mal à l'élu de son cœur – elle arrive à couper en deux des humains d'un seul coup de machette, encore un effet du délire qui englobe ce manga – et plus si affinité. Ses mimiques ne laissent aucun doute sur sa santé mentale, comme si ses actions ne suffisaient pas...
Avec elle, Mirai Nikki gagne un côté violent plus assumé – même si le concept même implique un minimum de violence – et surtout plus gratuit, qui finit par s'inscrire non seulement de manière physique, mais aussi psychologique. Le passage le plus édifiant à ce sujet reste certainement l'enlèvement de Yukiteru. Bien entendu, Yuno n'est pas la seule pourvoyeuse de l'aspect malsain – et Dieu sait que je déteste ça – qui entoure ce titre, puisque d'autres personnages n'hésitent à jouer dans le même registre et à parsemer leur chemin de cadavres.
Mirai Nikki est donc un manga qui ne plaira pas à tout le monde. Il possède un certain nombre de qualités – au premier rang desquelles son rythme prenant, la découverte progressive des personnages et de leurs capacités qui semble parfaitement maitrisée par son auteur, et son concept simple mais efficace – mais tout autant de particularités qui ne lui apporteront pas que des adeptes. C'est le lot de toutes les œuvres atypiques.
Vous l'aurez compris : je me passerai fort bien de ce titre.