C'est tout de même une petite déception que ce premier tome du Château des Animaux. J'en attendais peut être beaucoup : j'ai lu La Ferme des Animaux six fois, je l'adore. Déçu donc, de voir que les auteurs avaient choisi de livrer un autre message que l'œuvre d'Orwell. Un message beaucoup plus bancal...

Là où Orwell démontrait qu'une révolution, si elle est organisée de manière verticale, mènera de nouveau à l'oppression des masses, le Château des Animaux tente de nous faire croire que c'est la violence qui est au cœur du problème. Mais est-ce vraiment le cas ? Si les cochons ou les chiens avaient mené une lutte pacifique contre les hommes, cela les auraient-ils empêché d'instrumentaliser la révolution pour leurs propres intérêts ? On a dû mal à voir le lien...

La morale, répétée plusieurs fois au cours de la BD, est la suivante : "Une révolution violente sera toujours moins efficace qu'une lutte non-violente", en s'appuyant sur Ghandi ou Martin Luther King. Pourtant, le mouvement afro-américain des droits civiques n'a pas été non violent - ce sont les blancs qui ont commémoré Luther King (après sa mort, pas avant), tout en occultant Malcom X et le reste du mouvement violent et radical. Même chose pour l'indépendance en Indes. Ce n'est donc pas parce que les dominants ne glorifient que les non-violents ("les bons révolutionnaires") que la lutte l'a été. Et entre les suffragettes ou l'indépendance américaine, les exemples de révolutions violentes ayant abouti, ne manquent pas. A l'inverse, contre le totalitarisme, l'efficacité de la non-violence reste encore à prouver, et je m'amuse à imaginer la population russe ou allemande déloger le tsar Nicolas II, Staline ou Hitler avec le pacifisme, en dessinant des marguerites sur les murs.

Généralement la violence apparaît d'ailleurs quand la non-violence n'a rien donné, ultime recours des opprimés contre une élite qui légitime seulement sa propre violence. Donc le rat ultra moralisateur qui apparaît au milieu du tome pour dire aux animaux qu'ils ont perdu la révolution car ils n'ont pas essayer la méthode non-violente, c'est un peu fort ! (et assez malaisant). En y repensant, je me demande si ce rongeur ne bosse pas pour le dictateur...

Pourtant, les dessins sont magnifiques et les péripéties très plaisantes à lire. Donc ce n'est pas une mauvaise BD. Juste une bonne BD avec un message très limite. Qui plaira à ceux qui se trouvent du bons côtés de la violence, je n'en doute pas. Quand à George Orwell, heureusement qu'il n'est plus, il aurait vomi.

shylink
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le 14 mai 2020

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