Miss Endicott, tome 1 par Sejy
Prudence ! Ce prénom de l'héroïne principale est décidément fort à propos quand il s'agit d'exprimer un avis sur cette série. En effet, c'est un diptyque à deux mouvements que nous proposent les auteurs. Et si je suis prêt à parier que le premier opus enchantera la majorité, en revanche, le second risque d'en désappointer plus d'un. Dans mon cas, ce fut une réelle déconvenue. Il m'a été très laborieux de boucler la lecture d'une œuvre dont le deuxième tome m'a tant agacé, et c'est plus dans un souci d'honnêteté que je me suis fait violence, m'y reprenant tout de même à trois ou quatre reprises.
La mise en place de l'intrigue est pourtant si prometteuse. On découvre Miss Endicott, la jolie gouvernante, sorte de Mary Poppins le jour qui à la nuit tombée se mue en justicière « conciliatrice », une bat(wo)man en jupons dont le Gotham City est une étrange bourgade anglaise sur fond d'époque victorienne. Sa première enquête nous entraîne dans les quartiers louches de la ville dévoilant toute une galerie de personnages assez intéressants. Puis viennent les bas fonds, les entrailles de la Terre, où, sans savoir pourquoi ni comment, on se trouve projeté dans une ambiance de fantasmagorie légèrement horrifique, cerné de monstres et d'exclus aux gueules cassées. Et ce n'est pas désagréable du tout. Ça sent même rudement bon les prémices d'un palpitant roman d'aventures à la Stevenson mâtiné d'un brin de fantastique et saupoudré d'un soupçon d'atmosphère façon Sherlock Holmes.
Et puis patatras ! L'épisode suivant débarque avec ses gros sabots et c'est tout le charme qui s'envole. D'abord l'arrivée en coup de théâtre d'un nouveau protagoniste. Un ersatz de Tartine (oups, la référence moisie) survitaminée et dotée d'un arsenal à la Rambo. Souvent à la limite du ridicule, elle va malheureusement tirer toute la couverture. Et le manège s'emballe. Ça fighte et ça pète dans tous les coins. On assiste à la révolution assez improbable des hideux parias (non je ne suis pas un animal, je suis un être humain), à des révélations familiales en veux-tu, en voilà, puis je te rajoute un petit kidnapping pour corser l'histoire quand déboulent soudain des machines infernales tout droit sorties de Wild Wild West, et ... Stop ! Laissez-moi descendre. Il y a beaucoup trop de choses pour moi. Trop de péripéties qui se concluent pour la plupart par de grosses ficelles scénaristiques plus qu'usées et baignent dans un humour pas toujours bien senti. Mon jugement parait sévère ? Peut-être, mais c'est fastidieusement ainsi que je l'ai ressenti.
Heureusement (finissons sur une note optimiste), il y a le graphisme. Quelle qualité, quel trait raffiné ! Les faciès attachants, les décors somptueux, le découpage intelligent ou encore les couleurs élégantes, tout concourt à un irrésistible ensorcellement. Quel immense plaisir de se perdre dans les tableaux magnifiques de ces rues alambiquées, de ces façades aux courbes étonnantes d'où s'échappe une lumière si chaude, presque accueillante !
Cette note "généreuse" c'est le dessin de Fourquemin qui me l'arrache. Cependant, la déception relative au scénario prend le pas sur la fascination visuelle. Aussi, je me répète : prudence ! Car en achetant Miss Endicott, vous risquez de belles désillusions.