Louis-Ferdinand Céline aurait dit de la dernière bande dessinée de Fabcaro : "Moon river, c'est du roman noir avec une âme". Plongeant le lecteur dans les bas-fonds des rues crasses et sordides de la cité historique du Mont St-Michel, et reprenant avec brio les codes du polar américain qu'il croise aux envolées romantiques du Post-Westernn, Fabcaro n'oublie pas d'être moderne. Il s'inspire du fameux pied de nez de Dali à Picasso (https://hoaxoffame.tumblr.com/post/102315382583/fake-yes-when-1942-where-new-york) pour subsumer son intrigue policière à un véritable portrait au vitriol des mangeurs de Moussaka. L'écriture se déroule sur trois niveaux, entre fiction dans la fiction, fiction et réalité, et parfois réalité dans la fiction, et même fiction dans la réalité. Fabcaro, au sein d'intermèdes comme des petit making of, délibère avec ses filles sur la pertinence d'une telle enquête policière (le crime est une bite dessinée sur une joue), maintenant qu'il est chez Gallimard. L'auteur se dévoile, nous fait part de ses doutes et de ses compromis, de son hernie discale, de ses transigeances pour continuer à créer sans trop se fatiguer. La couverture est en simili de cuir noir estampillée de lettres d'argent, poussant le running gag du polar absurde au 4e degré, celui de l'objet livre. Une œuvre total, en somme (si on soustrait les quelques blagues un peu faciles. Fabcaro donne l'air parfois de pas se fouler, et ça nous fait marrer).
Lecteurs de Valeurs Actuelles s'abstenir.