"La Mort commençait à se dire qu’il n’arriverait pas à comprendre les hommes de son vivant."

Autant le dire tout de suite : je suis un fan immodéré de Terry Pratchett, que je classe personnellement comme mon écrivain favori de tous les temps. Donc, il va de soi que oui, j'ai lu le roman originel, Mortimer. Plus d'une fois, même.
Car oui, cette bande dessinée est une adaptation du dit roman, le quatrième des annales du Disque-Monde. De ce fait, je ne jugerai pas vraiment ici l'histoire en elle-même, mais plutôt sur la façon dont elle a été adapté et comment tient-elle encore debout. De même, je n'ai pas encore vu de traduction française de ce livre, donc, la critique est basée sur de la V.O.
Mais avant de faire cela, le pitch (qui n'est pas une brioche chocolatée, je vous prie) ? Mortimer (souvent appelé Mort', et non, c'est pas forcément redondant, vu que le roman est normalement en Anglais, ou Mort ne se dit justement pas mort, mais Death) est choisi pour être l'apprenti de la Mort. Oui, la Mort, l'Oméga, le Cavalier de l'apocalypse, la treizième arcane, le satané mâle nécessaire (chez Pratchett, la Mort est UN squelette). Et c'est là que ça se barre en cacahouète et qu'il y a un Balrog dans le pâté ! Et entre le majordome (Albert) qui fait frire tout ce qui bouge (et même ce qui ne bouge pas), la fille (adoptive) de la Mort, Bigadin la monture mortelle et le curry Klatchien extra épicé, autant dire qu'il y a de quoi faire.
Autant le dire, pour apprécier ce comics, il vaut mieux avoir lu le livre auparavant. Oh, bien sûr, il est compréhensible sans cela, mais vous risquez de le trouver un peu brut de décoffrage, car il manque quelques-une des petites subtilités de Pratchett (d'autant que c'est vraiment à ce moment là dans son écriture que justement, ses petites subtilités le feront devenir un excellent écrivain).
Le scénario est donc celui du livre, avec des subtilités en moins, un peu dommage, mais compréhensible sur 93 pages de bande dessinée. Mais justement, la valeur ajoutée, c'est les dessins ! Oh les dessins, mais qu'est-ce qu'ils sont beaux et reflètent justement ce qu'est le disque-monde ! C'est simple, tout ce qui concerne la Mort (le personnage, son domaine, ...) sonne incroyablement juste. Je vais vous donner un exemple : L'on voit, à un moment, une vision d'un futur possible où Mortimer et la fille adoptive de la Mort se marie. On les voit s'embrasser, tandis qu'une fleur de sa coiffe s'envole au vent, et tombe dans la main de la Mort ; la fleur se flétrit et se fane aussitôt, car de son point de vue, sa fille adoptive est désormais mortelle.
Un autre exemple serait la fois où cette même fille adoptive explique à Mortimer qu'elle est coincée ici depuis des décennies (32 ans), mais ne grandit pas dans le domaine de la Mort où le temps ne passe pas. Et tandis qu'elle déclare vouloir que ça cesse et avoir une vraie vie, son reflet dans l'eau semble devenir une tête de mort, avec ses cheveux blonds qui deviennent blanc (couleur du squelette) et qui viennent lui cacher les yeux (orbites vides) tandis qu'un squelette de poisson (on est dans le domaine de la Mort, après tout) nage vers son reflet.
Pour tout fan de Pratchett qui voudrait une version plus imagée (ou même juste lire du disque-monde), ceci est une bonne lecture, voire même une très bonne. J'aurais préféré que L'Atalante sorte cette BD plutôt que l'adaptation d'Au Guet, bien moins fun et créative. C'est peut-être même votre seule chance d'une version imagée, après tout, les probabilités d'un film sur Mortimer s'étiolant d'années en années ...
Pour les non-fans de Pratchett ... Cela reste une bonne lecture, et la non-connaissance du Disque ne vous sera pas fatale dans la compréhension. Mieux, elle vous aura conservé la surprise de l'intrigue, qui reste tout aussi bonne -voire même un peu épique- que dans le roman.