L’histoire se passe dans un coin perdu du Mexique, au début du 20ème siècle. Alors que tout semble calme, la paisible hacienda du señor Iturbide va subitement être perturbée par une violente attaque, sans véritable motif. Au début, le propriétaire terrien croit qu’il s’agit d’une bande de hors-la-loi mais rapidement, il apparaît que les assaillants sont d’étranges morts-vivants. Ce sont des êtres au visage à moitié arraché, des figures hébétées et muettes que les Mexicains appellent "calaveras". Ces monstres sanguinaires n’ont plus grand-chose d’humain, car ils sont animés par une pulsion de meurtre qui semble impossible à raisonner. Les survivants de l’attaque n’ont pas le choix: leur seule chance de salut, c’est de fuir le plus vite et le plus loin possible. Sous la conduite du contremaître Pancho, un petit groupe parvient à échapper aux "calaveras" en se massant dans les véhicules de l’exploitation agricole. C’est un groupe hétéroclite, dans lequel on retrouve aussi bien des bourgeois que des ouvriers et des domestiques. Sans oublier le curé, bien sûr, qui voit dans cette attaque un châtiment divin pour punir les infidèles. Au début, les patrons tentent de conserver les apparences, mais au fur et à mesure que les morts-vivants se rapprochent et que la situation se dégrade, les masques tombent et chacun pense avant tout à sauver sa peau. Au milieu du chaos, deux figures principales se dégagent: d’un côté Luz, la fille rebelle et intrépide du señor Iturbide, et de l’autre Pancho, le ténébreux contremaître. Ce dernier est-il un héros ou un salaud? Ce qui est certain, c’est que les morts-vivants semblent à tout prix vouloir sa peau!
"Muertos" est l’une des premières claques de ce début d’année 2020. Cette brique de 150 pages en noir et blanc est un récit véritablement étouffant, mené à un rythme infernal par Pierre Place. L’auteur français, qui avait déjà utilisé l’imagerie mexicaine dans sa BD "Zapatistas", laisse très peu de répit à ses personnages. Après une brève introduction pour présenter les principaux protagonistes (les bourgeois, les contremaîtres, les bonnes), "Muertos" passe immédiatement à la vitesse supérieure pour ne plus jamais ralentir. Pierre Place parvient à accrocher le lecteur grâce à un découpage très cinématographique et des dessins expressionnistes. Certes, l’auteur prend parfois le temps de représenter certains décors de manière plus détaillée, mais il ne perd jamais de vue le rythme pour autant, certaines de ses planches se passant même du moindre dialogue pour donner encore plus de dynamisme au récit. Pour le dire simplement, il y a un suspense insoutenable dans cette BD: on se demande en permanence si Luz, Pancho et les autres personnages du récit vont parvenir à échapper à la horde grandissante de morts-vivants. Forcément, on se croirait dans une sorte de "Walking Dead" transposé dans le Mexique du début du 20ème siècle. Mais "Muertos" va au-delà du simple divertissement, c’est aussi une critique sociale. A l’image des films de George Romero, le réalisateur de "La nuit des morts-vivants", Pierre Place profite de son récit macabre pour dénoncer les discriminations entre les bourgeois et les "péons", le nom donné aux paysans mexicains. Raison de plus pour oser jeter un oeil à ce roman graphique délicieusement macabre.
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