Critique numéro par numéro.


#1 [Août] Ça y est ! LE gros projet de Morrison depuis des années débarque, Multiversity ! Un projet titanesque, ambitieux et assez dingue où Morrison se permet de définir le fonctionnement du multiverse entier de l'actuel DC universe !


Et ce premier numéro est vraiment très bon ! Comme on pouvait s'y attendre avec l'auteur et surtout sur un tel projet, ça fourmille d'idées complètement folles, on s'y perd un peu parfois (mais ça, c'est pas non plus Return of Bruce Wayne, loin de là), mais c'est franchement très sympathique à lire.


Ce début d'intrigue est vraiment fait dans la veine d'un Crisis on Infinite Earths. On y retrouve un Monitor (sauf que cette fois il semble y en avoir plusieurs), on retrouve une espèce de grande salle où les héros des différentes réalités peuvent se rassembler et on retrouve aussi une mystérieuse menace qui plane sur le multiverse entier. Sauf que là, contrairement à Crisis on Infinite Earths qui ne se passaient que sur un nombre de terre limitées et connues du lecteur, ça ne se passe qu'au sein de réalités qu'on ne connaît absolument pas (si ce n'est Earth-23, la terre du Superman black président des USA qu'on aurait apparemment déjà croisé dans Action Comics).


Il y a vraiment des partis pris très intéressants dans ce début de Multiversity. Déjà, ne pas avoir mis pour le moments des héros de Earth-0, les héros de la terre des New52 est une idée très intéressante, qui renforce le côté découverte et étrange du titre. A la place, Morrison ne joue qu'avec des versions alternative : le Superman Black, Captain Carrot, un espèce de dieu du tonnerre, une Aquawoman, tout une terre qui parodie l'univers Marvel... Ce qui est intéressant aussi, c'est qu'il profite de cette liberté totale dans l'instauration de nouveaux héros pour mettre en avant des personnages afro-américains forts et nombreux, là où d'habitude on se paye l'héritage de 75 ans d'édition de comics avec que des personnages blancs. Bon au niveau de la parité, ce n'est pas trop ça par contre, ça reste majoritairement des personnages masculins, mais il y a de l'idée, je trouve.


Ce qui est très intéressant aussi c'est d'avoir mis le support comics au cœur du récit. Reprenant l'idée de la rencontre entre les deux flash du silver age où le Flash de Terre-1 avait lu les aventures du Flash de Terre-2 en comics avant de le rencontrer réellement, ici les comics sont aussi un moyen de connaître ce qui se passe dans les autres réalités. Du coup Morrison s'amuse même à interpeller le lecteur pour lui dire de fermer le comics ou de continuer à le lire, où nous montre une réalité qui ressemble beaucoup à la notre avec un type qui lit un mystérieux Ultra Comics qui à l'air d'officier comme une sorte de déclencheur de l'histoire.


En plus, on bénéficie des dessins d'Ivan Reis, héroïques, puissants et avec pas mal de détails quand il en faut, ça rend vraiment bien et les personnages ont de bonnes tronches. En outre, sûrement incité à ça par Morrison, Ivan Reis utilise un découpage vraiment varié et inventif, qui est assez rafraîchissant quand pas mals de dessinateurs utilisent un découpage très cinématographiques avec un usage massif de bandes horizontales (même si ça a son charme également). Du coup, ça rappelle un peu les mises en page que pouvait faire Perez sur Crisis on Infinite Earths, c'est sympa. Niveau couleurs, Ruffino ne fait pas quelque chose d'incroyable, mais ce n'est pas non plus désagréable, c'est très comics de super-héros classique, sans vraiment d'ambiances marquées.


En tout cas voilà, c'est un très bon numéro, très intriguant, qui donne vraiment envie d'en lire plus sur ce projet ambitieux de Morrison. L'auteur se fait plaisir sans perdre outremesure le lecteur, y a pleins de bonnes idées, on a envie d'explorer toutes les terre du multiverse, d'en savoir plus sur les endroits au dessus des réalités et sur la mystérieuse menace qui pèse sur les différents monde. [9]


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Society of Super-Heroes #1 [Septembre] C'est tout bonnement excellent. L'histoire en tant que telle est plutôt simple, mais c'est vraiment très bien écrit, avec des personnages rapidement super attachants et intéressants et un bon univers. On y retournerait volontiers. L'autre bon point, c'est les dessins de Chris Sprouse où l'on sent que le dessinateur à eu le temps de s'appliquer pour faire son numéro et il nous en met franchement plein la gueule avec pas mal de séquences sublimes. Et le côté « années 30-40 » lui va vachement bien. [9]


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The Just #1 [Octobre] J'ai été moins conquis par ce one-shot ci que par les deux numéros précédents, mais ça reste très bon. Le côté très méta est amusant et on a vraiment envie d'en savoir plus sur le fameux Ultra Comics. Et y a pas mal de bonnes idées, de bons personnages, mais parfois l'écriture est un brin confuse. Sans doute le très grand nombre de personnages, assez obscurs, n'aide pas à s'y retrouver. Les dessins de Ben Oliver sont quant à eux fort sympathiques si on aime son style. [8]


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Pax Americana #1 [Novembre] Ce numéro de Multiversity était sûrement l'un des plus attendus par les fans et on peut le comprendre ! Chaque one-shot de Multiversity est l'occasion de visiter une terre différente et un potentiel d'histoire différent, après avoir rendu hommage aux pulps et au Golden Age dans the Society of Super Heroes, et à la notion d'héritage, de descendants chère à la Terre-2 originelle dans The Just, il rend cette fois-ci hommage aux héros de Charlton Comics, maison d'édition absorbée par DC Comics à la fin du Golden Age, et par la même occasion à Watchmen puisque les héros de Charlton avait servi d'inspiration aux personnage du comics culte d'Alan Moore.


Outre ce double hommage, ce numéro signe aussi le retour du duo Morrison - Quitely. Le dessinateur a pris du temps pour dessiner ce numéro et ça se voit, c'est tout bonnement superbe. Tout est détaillé, précis, les arrière-plans sont magnifiques (la séquence du parc !) et les attitudes travaillées. Comme chaque numéro de Multiversity, on sent que ça n'a pas été fait à la va-vite comme trop de comics modernes et c'est un vrai plaisir.


Et puis cette narration ! Voulant rendre hommage à la maîtrise des auteurs de Watchmen, on sent que Morrison à pousser à fond ses talents ici pour offrir quelque chose de vraiment impressionnant et original. Je crois qu'il voulait rendre hommage aux scripts étoffés qu'avait fait Moore pour son oeuvre, et ça se sent !


L'on sait que Morrison n'est pas très fan de la narration hyper cinématographique qui empreint les comics modernes. Bourrées de grandes cases horizontales, chacune représentant une action forte, avec peu de cases, de grosses splash pages... Ce numéro est un hommage aux cases verticales, à la subdivision d'un décor en plusieurs cases, aux zooms progressifs, à la décomposition de l'action, à l'assemblage des différentes cases dans l'esprit du lecteur pour former une toile d'ensemble.


D'ailleurs la construction du récit qui multiplie les changements de temporalité, les mystères, les non-dits et les jeux narratifs est complètement dans cet état d'esprit. Le numéro est presque un puzzle à assembler pour le lecteur et c'est ce qui le rend complexe et en même temps passionnant.


Pour être honnête. Je ne sais pas si j'ai réellement compris l'intrigue et si j'ai saisi tous les niveaux de lectures, ce qui a rendu la fin du numéro un peu frustrante, mais ça n'empêche pas ce numéro d'être une petite pépite pour son inventivité narrative (la double page où un même lieu est divisé en 32 cases et où l'on suit trois temporalités simultanément est géniale !), sa beauté graphique, sa colo nickel (Nathan Fairbairn est vraiment très bon) et son bel hommage à Watchmen et aux héros Charlton.


J'ai hâte de le relire dans la langue de Molière pour en saisir toutes les subtilités. [9]


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Thunderworld Adventures #1 [Décembre] Multiversity continue d'être une lecture incontournable avec ce nouveau one-shot qui est bien entendu génial et qui est, avec Society of Super Heroes, le numéro que j'ai le plus envie de voir devenir une série régulière.


Après avoir rendu hommage à Charlton, Morrison continue de faire son tour des personnages des maisons d'édition rachetées par DC et depuis délaissées, avec cette fois Captain Marvel (connu sous le nom de Shazam dans les New52) venu du catalogue Fawcett Comics. Ce personnage était hyper connu durant le Golden Age, dépassant même Superman en popularité, et cristallise pleinement l'innocence et le côté cartoon et farfelu des histoires de l'époque.


C'est peut-être pour ça (et pour sa ressemblance avec Superman) qu'il a eu du mal à s'adapter à la modernité, mais ici Morrison lui rend un brillant hommage en signant un comic book moderne comme on aimerait en voir plus souvent. Ça s'adresse réellement à tous les publics, c'est lumineux et joyeux mais pas dénué d'enjeux, c'est drôle, facile d'accès malgré les concepts de SF farfelus, plein d'innocence mais pas débile, et avec des vannes à plusieurs niveaux de lectures, des références présente mais jamais gênantes... C'est vraiment un sans-faute et en plus c'est superbe ! Le dessin de Cameron Stewart est vraiment parfait : cartoony, rond, puissant, détaillé... Et son Sivana (le grand méchant de l'histoire) est juste génial ! Il est hilarant et en plus il est très bien écrit par Morrison qui ne fait que renforcé son côté méchant mégalo crétin stéréotypé mais irrésistible !


C'est un one-shot où l'on se régale à la lecture, du comics à l'ancienne sans que ce soit vieillot ou craignos... Le one-shot sur Shazam durant l'event Convergence de DC s'annonce comme étant dans un esprit très similaire, et j'espère que ce sont des signes indiquant un retour en grande pompe pour le héros dans une série régulière (de préférence respectueuse de son héritage). [9]


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The Multiversity Guidebook #1 [Janvier] Multiversity continue et c'est toujours un plaisir de découvrir un nouveau numéro de cette série de Grant Morrison. Une fois de plus, ce numéro est un véritable régal et ce pour plusieurs raisons : d'une part c'est bourré à ras-bord de références et d'explications pour ceux qui aiment découvrir et parcourir la continuité et la richesse de l'univers de DC, ensuite parce que les éléments de guide sont introduits de manière hyper maligne au sein de l'histoire du numéro, Morrison jouant toujours plus avec ses concepts de comics dans le comics (et c'est génial !) et parce qu'enfin, Kamandi est introduit dans l'univers post-flashpoint de DC, dans un look moderne que j'aime beaucoup.


Ce numéro est une petite bombe ! L'histoire est sympa à suivre, nous montrant des nouveaux aspects du multiverse tout en établissant des connexions avec certains one-shots (notamment Thunderworld) et avec Multiversity #1. Les personnages sont biens écrits, le mini-Batman est immédiatement attachant, on a des enjeux sans tomber dans du sombre excessif, c'est toujours compensé par de l'humour ou de la loufoquerie, les parties guides sont passionnantes à parcourir (surtout le guide des 52 terres qui est le genre de truc qui me fait complètement délirer)... Et puis tout ce que fait Morrison dans ce numéro donne ENFIN de la structure à un univers New 52 qui en manquait pas mal, et ça c'est une très bonne chose.


Bref c'est génial, j'ai hâte de lire la suite de Multiversity et je prie pour que les auteurs pensent un jour à réutiliser les jouets que pose ici Morrison pour faire de nouvelles séries, car le potentiel est bien là. Ou sinon que Morrison lui-même se donne la peine de réutiliser ce qu'il pose ici, ce serait encore mieux. Donc voilà, vous avez compris : lisez Multiversity et ce numéro, c'est vraiment le genre de comics que j'aimerais lire en permanence. [9]


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Mastermen #1 [Février] Et voilà l'antépénultième numéro de Multiversity qui arrive. Et encore une fois, c'est un très bon cru de la part de Morrison (mais est-ce une surprise, franchement ?).
Cette fois-ci, le numéro s'intéresse à l'histoire d'un Superman alternatif ayant été élevé par les nazis, Overman et qui leur a permis de gagner la Seconde Guerre Mondiale. Un numéro qui renvoie forcément à Red Son où l'on retrouvait aussi cette question de quelle serait la destinée de Superman dans un environnement à la morale différente. Quelle est la nature profonde du personnage et peut-il servir le mal ?


On a pas mal d'hommages dans ce numéro, à Red Son donc, mais aussi à toutes les histoires ou Superman est en proie au doute sur sa mission et bien entendue, on a un hommage à la Earth-X originale avec la présence des Freedom Fighters, qui n'apparaissent malheureusement que trop peu. Bon et y a bien sur des allusions aux comics publiés pendant la guerre et au rôle des héros à ce moment là et aussi, plus surprenant, une référence à Crisis on Infinite Earths.


C'est un bon numéro, mais pas l'un des meilleurs de Multiversity. Je pense qu'il faudra que je le relise pour comprendre exactement où veut en venir Morrison avec ce numéro. Et puis j'ai l'impression que je suis de moins en moins fan de Jim Lee. Ses relents 90's me sautent de plus en plus à la gueule et l'encrage aux hachures sautillantes de Williams me plaît moyen. Peut-être qu'il s'agit d'un traumatisme suite à la lecture du moyen et confus Superman : Pour Demain... [8]


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Ultra Comics #1 [Mars] Avant-dernier numéro de Multiversity, qui se termine donc fin avril... Vous l'aurez bien compris, cette série de Grant Morrison est certainement la série super-héroïque la plus qualitative qu'on peut lire en ce moment et ce n'est pas ce numéro #1 d'Ultra Comics qui démentira cet état de fait. Ici, Grant Morrison nous sert un récit complètement méta, comme il en a le secret, qui joue à fond sur le lien lecteur-comics, sur l'action même de lire cette BD, de s'immerger dans l'histoire...


C'est vraiment très sympa et bien fait, avec les personnages qui passent leur temps à s'adresser directement au lecteur, à lui donner des ordres, avec le héros qui tire sa puissance de l'imagination de tous les lecteurs qui lise cet Ultra Comics... C'est bien barré, en plus il faut ajouter à ça les références à l'histoire des comics de super-héros, à certains types d'histoires, à ces différents âges, à ces dérives, à ces codes... C'est très riche, parfois un poil trop puisqu'on ne comprend plus exactement ce que l'auteur veut nous dire, mais ça reste globalement une excellente lecture, un très bon exercice de style et c'est en plus illustré avec des dessins de Doug Mahnke qui sont très propres, détaillés et qui collent parfaitement à l'histoire.


Franchement un excellent numéro, encore une fois, et j'ai hâte de lire la conclusion de cette série exceptionnelle. [9]**


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Multiversity #2 [Avril] Nous y voilà ! La fin de cette série totalement folle que fut Multiversity, et certainement l'oeuvre la plus aboutie qui a émergée des comics de super-héros ces deux dernières années. On a eu que des dessinateurs d'exception et la partie scénaristique était bien entendue hyper balèze.


Après, le fait est que l'écriture de Morrison peut parfois s'avérer assez difficile d'accès, assez cryptique. Du coup, on lit ça, c'est chouette parce qu'il y a pleins d’événements, pleins de personnages, des visuels impressionnants, mais c'est chaud de voir où le scénariste veut réellement en venir.


On sent que c'est malin, et c'est vraiment intéressant de voir comment ça parle des comics et des super-héros en eux-même. Rien que le fait que les personnages aient conscience les uns des autres à partir des comics et que ces même comics soient à la fois la source de leurs problèmes et leur solution est vraiment bon. Pareil, le côté infini des aventures super-héroïques est complètement revendiqué.


J'aime comment Morrison comprend pleinement les caractéristiques du médium des comics de slips et les utilise dans son histoire. C'est à la fois une aventure de super-héros et sur les comics de super-héros, et c'est ça qui est vraiment fort. Surtout que c'est ambitieux, très étudié, très savant dans la manière d'orchestrer tout ça et ça arrive, en outre, à son objectif sans se casser la gueule.


Alors oui, je n'ai pas encore compris tout ce que Morrison a voulu dire à travers son oeuvre, et j'ai hâte de pouvoir relire tous les épisodes à la suite dans un beau relié pour essayer de saisir plus de subtilités, mais en attendant c'est déjà très bon et j'aime toujours autant les scénaristes qui essayent de faire de grandes œuvres en utilisant la mythologie super-héroïque des Big Two. C'est ça qui me fait aimer le genre et je suis content de voir qu'il y a encore des grands récits comme ça qui sortent aujourd'hui. [9]

arnonaud
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le 20 août 2014

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