Là où l’usage veut que nous nous demandions « de quel bois est-il fait ? », il conviendrait de parler de métal en ce qui concerne Daniel Warren Johnson : car non content d’enquiller pépite sur pépite, le bougre vie d’une passion qu’il nous est donnée d’apprécier… et plus encore. Dans le sillage d’un Extremity écrit dans l’œil d’une de ces satanées tempêtes de vie, Murder Falcon transpire de façon évidente (doux euphémisme) son amour du heavy metal et le décorum associé, sorte de défouloir addictif tenant lieu de catharsis imagée.
Certes, l’auteur ne se sera pas embarrassé d’une intrigue finement brodée, l’intérêt étant ailleurs : quoique pourvu de développement et rebondissements bien amenés, Murder Falcon fait la part belle au grand spectacle tonitruant et contagieux, plateforme haute en couleur d’un fond moins ludique. Surmonter plutôt que maudire, tel serait le mot d’ordre de cette allégorie ne se refusant rien, elle qui convie les habituels monstruosités de l’auteur en guise d’antagonisme déguisé : face à lui, un quidam somme toute ordinaire désigné « élu » par une entité surnaturel rimant avec « riff », « shred » et tant d’autres termes plus ou moins techniques.
C’est simple, mais ça marche du tonnerre sitôt que le postulat « le métal pulvérise le mal ! » est accepté (de bon cœur), cette entrée en matière préfigurant de la tonalité prédominante à venir. Au programme donc, beaucoup de bastonnades saupoudrées de musiques vengeresses, sans compter une galerie secondaire s’activant tout du long (peut-être trop à la fin), mais le cœur de Murder Falcon demeure surtout une belle ode au courage, l’abnégation et le partage : sa lecture, entre planches dantesques et rouages touchants, constitue donc une expérience en rien unidimensionnelle.
Primal dans sa débauche de destruction, sentimental dans ses ramifications, ce don de soi que nous fait ici Daniel Warren Johnson est un cadeau qu’il convient de dévorer sans tarder. Un petit mot concernant son travail graphique, comme à l’accoutumée sublime de puissance, tandis que son acolyte Mike Spicer aura de nouveau fait des merveilles à la couleur.