Une claque comme j'en prends rarement ; et pourtant, j'en redemande ! Mutant Hanako, c'est à la fois de l'art-génèse, régressifs croquis à même la feuille, coloriés comme par un enfant, mais un enfant virtuose qui connaît quand même foutrement bien ses règles de perspectives et a un sens de la composition qui en impose. Ce grand enfant, ces en fait Makoto Aida, pas vraiment mangaka, mais artiste contemporain auteur d’œuvres chocs à renvoyer tous les Koons à leurs babillages : ici le pop est épousé avec ferveur, puis recraché avec maestria, et Aida semble à la fois perpétuellement tourner en ridicule le format débilisant qu'est le manga (commercial, soit quasiment tout le manga) tout en adhérant à sa forme d'expression libre, détachée des convenances, dans un jeu d'aller-retours produisant en permanence une hallucination visuelle et cérébrale.
C'est en faisant tenir sur un même bloc, côte à côté, intriqués, porno le plus éhonté et récit pro-nationaliste candide et épuisant tous les codes les plus faisandés de la narration (héros élus de Dieu-l'Empereur contre empire démoniaques, déjà ) que Mutant Hanako se révèle une hilarante et cinglante arme de déconstruction massive. La seconde guerre mondiale y est dépeinte au prisme d''un nationalisme hébété, gage, qui récite à gogo ses mantras creux, acte d'auto-dérision fondamental du nationalisme nippon en même temps que tournage en ridicule bien senti de la toute puissance impérialisé américaine, phallocrate, champignon consumériste qui allait alors contaminer le monde. Sorti peu avant le 11 Septembre, Hanako semble comme préfigurer dans un geste punk, dada, surréaliste, l'effondrement tout relatif, le Choc des Civilisations refoulé qui allait alors bien vite revenir dans le discours des faucons mais vrais américains.
Pas à mettre entre toutes les mains, sûrement, mais un geste radical, frondeur et gorgé d'humour comme seule la marge peut le produire dans le monde si formaté et parfois désespérant du manga contemporain.