Naruto, c'est un des monuments du genre. C'est même l'un des plus connus en dehors des initiés, et l'un de ceux qui a généré le plus de références devenues pop-culture.
Et il le doit à un univers captivant, des personnages hauts en couleur, attachants et/ou charismatiques, des combats bien souvent réussis, un système de pouvoirs qui donnerait presque envie d'y être, et une sorte d'éloge du travail et de la méritocratie qui résonne fortement chez des adolescents en mal de reconnaissance.
Naruto est un anti-héros devenu vrai héros ; le raté du village, exclu pour des raisons un peu mystérieuses, mais aussi farceur insupportable, mauvaise fréquentation, et cancre indécrottable.
Jusqu'au jour où, face au danger, il fait ce qu'il faut, et se découvre enfin un talent. Petit à petit, accompagné d'une fine équipe (un prof excentrique mais incroyablement fort et charismatique, un rival particulièrement Gary Stu et au complexe de supériorité évident, et une fille ... qui est là (on y reviendra)), il va affiner ses capacités jusqu'à devenir ce qu'il a toujours rêvé d'être, le Hokage, plus puissant ninja du village caché de Konoha.
L'univers des villages ninjas est un monde plutôt cohérent, avec ses factions et leurs spécialités, et ses clans aux techniques secrètes ancestrales. Les types de ninjustu (5 éléments plus fusions et hérédités), alliés aux rares genjutsu (illusions) et à l'incontournable taijutsu (arts martiaux en gros) donnent un éventail de techniques particulièrement vastes, et un sacré terrain de jeu à explorer pour un auteur réellement créatif.
Les arcs narratifs sont globalement bien fichus, avec une évolution des enjeux qui va de pair avec la progression des personnages principaux. Les personnages secondaires sont suffisamment mis en avant pour en ressortir avec quelques favoris, et les ennemis sont (au moins pour certains), construits avec une histoire qui fait sens. Jusqu'à un certain point.
Car Naruto, c'est aussi la naissance de l'un des clichés les plus forts et dommageables du Shonen. Le pouvoir de l'amitié, et la persuasion des ennemis. Naruto c'est celui qui va faire de n'importe qui son allié. Pourquoi pas. Mais vraiment, lorsque l'on en arrive à des enjeux incroyablement importants, que l'ennemi est présenté d'une manière particulièrement manichéenne, et qu'en quelques mots il est retourné, ça en devient risible.
Les émois emo-gothique de DarkSasuke et sa crise d'identité si mal retranscrite passent presque inaperçus à côté. De même que le traitement particulièrement raté des femmes du manga. Sakura est... une blague, Ino n'existe quasiment pas, Hinata est là pour être faible, même Konan, qui semblait un moment être la numéro 2 des méchants, se révèle inutile. Tsunade devient Hokage, et n'est finalement qu'un soigneur dont la force n'est qu'une péripétie narrative au service de blagues sur sa poitrine. Au final, seule mamie Chiyo aura eu un vrai développement et arc satisfaisant.
L'autre péché de Naruto, et qui est pour le coup un classique de tous les mangas, c'est son arc final. Après déjà pas mal de temps à se demander pourquoi ne pas conclure le manga et toujours inventer une péripétie supplémentaire, un nouveau méchant ou plan diabolique, etc, on se retrouve avec une succession de révélations de nouveaux méchants "qui contrôlaient tout depuis l'ombre", plus puissants que l'imagination, et l'on se retrouve avec une échelle de puissance totalement incohérente par rapport à ce qui étaient parmi les ninjas les plus puissants aux débuts du manga.
En bref, Naruto ce fut d'abord un superbe récit initiatique, un rite de passage à l'âge adulte, avec une vraie fraicheur, juste ce qu'il faut pour des collégiens, qui malheureusement s'est perdu en route en essayant probablement de trouver une formule permettant de culminer à une fin satisfaisante, ce qu'il n'a finalement pas eu ...
Décevant, à vrai dire, mais n'oublions pas pour autant le bon qu'il y a eu