Lancé sans idée préconçue sur le sujet, la lecture de Gus surprend, déçoit, emporte, ravit. Dans cet ordre.
Chapitré en différentes histoires autonomes à première vue, cet album narre l'envers du décor des vies de trois bandits du Far West, dont les braquages ne sont qu'un bruit de fond, une broutille périphérique. Car entre deux coups pourvoyeurs de dollars, nos héros se terrent, attendent, et surtout vivent des histoires sentimentales pas piquées des hannetons, parfois crues, jamais vulgaires, notamment le fameux Gus dont le tarin le précède d'un quart d'heure en tous lieux.
Le dessin de Christophe Blain, plus versé que jamais dans l'improvisation, le mouvement au détriment du détail maniéré, est d'une vivacité impressionnante. S'il fera effet de repoussoir pour certains, ceux qui apprécient sa technique en auront pour leurs frais. Vite stabilisé, il sait en peu de traits donner une expressivité folle à ses créatures de papier, qui fait qu'on s'attache rapidement à eux. Si son scénario manque de tension, d'une accroche irrésistible, il n'est jamais fainéant pour autant et propose un patchwork de scénettes délicieuses dans lesquelles on se (re)plonge avec plaisir.
La force de la série Gus réside certainement dans l'atmosphère inédite qu'elle distille en quelques planches. On lit une première fois pour l'histoire, on relit pour savourer le dessin, puis on y revient pour son ton, son ambiance cocasse, comme lorsqu'on retourne à ce troquet chéri qui fait office de refuge. Enfin, ce saloon.