Dans la postface, qui reprend une conférence qu'a donnée Osamu Tezuka en 1988, on apprend que Neo Faust est la troisième adaptation de Faust, mais cette fois plus proche de la pièce de théâtre éponyme de Goethe.
A savoir d'un vieil scientifique le professeur Ichinoseki, qui au soir de sa vie, constate que son savoir n'a pas permis de percer tous les secrets recensés par l'univers. Se sentant âgé, et la fin venant, il décide de se suicider, jusqu'à ce que Lucifer va apparaitre, et lui proposer un pacte. En somme de le rajeunir, et de le renvoyer dans un passé proche, en échange de son âme. Ce qu'il accepte.
A la fin de sa vie, on sentait qu'Osamu Tezuka partait vers un virage plus adulte, plus contestataire, qui parlerait du passé, et peut-être parler de Faust pour tirer à boulets rouges sur l'organisation des jeux olympiques de 1964 ou les révoltes estudiantines qui frappèrent le Japon entre la fin des années 1960 et le début des années 1970.
Et donc, Ichinoseki va rajeunir de cinquante ans, à la fin des années 1950, amnésique, et souvent accompagné de Méphistophélès, qui apparait soit en tant que femme ou en chien cerbère...
Il faut savoir que Neo Faust est, au même titre que Gringo et Ludwig II, une œuvre inachevée, l'auteur ayant disparu en 1989. D'ailleurs, la mort revient en permanence dans le manga, que ce soit par le sujet bien entendu, que par par Méphistophélès qui dissout les ennemis du jeune Ichinoseki, ou alors un homme qui va devenir très important pour le jeune homme, atteint d'un cancer à l'estomac, comme Osamu Tezuka.
Il en résulte un manga très fort, où la narration est totalement maitrisée, avec quelque chose qui rappelle Rashomon, à savoir un évènement qu'on va voir sous deux angles différents, soit un nouveau point de vue sur l'histoire qui reprend fidèlement l’œuvre de Goethe, avec la même présence d'une Marguerite...
A l'origine, Tezuka avait conçu son manga en trois parties ; dans cette édition française, seule la première partie est complète, et on a quelques pages de la suite, qui aurait mené l'histoire vers quelque chose de plus tragique.
D'ailleurs, le manga se finit sur quelques pages, où Tezuka a juste dessiné les silhouettes et le texte (ici, en japonais, avec des sous-titres français si j'ose dire), avec une dernière case très touchante, entièrement vide, comme si on voyait à ce moment-là l'auteur abdiquer face à la maladie et la mort arriver...
C'est d'autant plus frustrant que Neo Faust est passionnant à lire, même si incomplet, mais dans un sens, la lecture de la pièce de théatre de Goethe permet de savoir comment tout ça se termine.
Mais la maitrise de l'auteur, la qualité du dessin, et le ton plus mature, plus sérieux, rend le tout très fort. Tout comme le seront Gringo et Ludwig II...